Dans une petite salle cachée, au sous-sol du Musée des Beaux-Arts de Montréal, les « Photographies Perpétuelles » d’Owen Kydd jalonnent les murs et éclairent la petite galerie par le biais de panneaux numériques qui leur servent de support. La 14e Édition du Mois de la Photo propose à travers cette série la dissolution des frontières entre la vidéo, qui permet d’enregistrer le sujet de façon continue et la photo, qui permet de capturer l’instant et se détacher de toute temporalité.
Les photographies perpétuelles en question sont donc une série d’images du même ou de différents sujets qui défilent en boucle. L’objet, dans le sens large du terme est ici le thème central du projet. Sur l’un des panneaux, divers bibelots sont disposés sur un sol dont le bleu et la texture rappellent ceux entourant les piscines des années 60. La lumière se reflète contre l’aluminium d’un morceau d’emballage de biscuits et scintille de manière intermittente comme le plastique transparent des bijoux de pacotille. Une petite brise fait voler ici et là les bords de ces différents objets et donne ainsi à cette nature morte et quelconque l’apparence du mouvement paisible. En face de cette dernière œuvre, un gros plan d’un couteau en argent qui semble avoir beaucoup vécu. Sur la saillante lame de ce couteau, les rayures et les rainures se succèdent comme des vagues de haine et de vie. Sur cette même lame, se reflètent les phares des lumières de diverses couleurs ; ce sont les phares des voitures qui passent au loin, derrière la vitre qui sépare ce couteau de la danse nocturne de la ville.
« L’objet reflète le monde qui l’entoure et se soumet aux changements que cet environnement lui impose. »
Deux autres panneaux présentent également divers objets, allant de l’abat-jour vert en papier aux ballons bleus gonflables à l’hélium, en passant par un buste en marbre dont la tête à moitié coupée lui donne un aspect de vase. D’ici, c’est la représentation de l’objet et du quelconque qu’on discerne. C’est la représentation du plastique dont la texture est révélée à travers les inclinaisons de la lumière qui l’éclaire. C’est cette dite lumière, celle qui modifie les textures et se reflète sur les matériaux tels que le verre, le métal ou le plastique, qui me touche. Pourtant, plus loin, de nouvelles hypothèses émergent.
La présence et le jeu de la lumière sont toujours importants, que ce soit sous forme de phares, de jets multicolores ou d’un néon dont la lumière blanche et vive éblouit le visiteur. À droite, une sorte de sculpture et à ses côtés un homme, qui est d’ailleurs le seul être vivant doté de souffle de toute l’exposition. Il ferme les yeux et tente de se faire objet, de se faire nature morte, de camoufler toute manifestation de vie. Cependant, les paupières s’animent et de légers mouvements de visage et de tête peuvent être perçus. Non, ce n’est pas un objet. L’objet ne demande rien, n’a rien à prouver. Il est posé là, respire à travers son silence et son immobilité, s’active sous l’action des forces environnantes. L’objet reflète le monde qui l’entoure et se soumet aux changements que cet environnement lui impose. Les multiples photos d’objets statiques dégagent une certaine passivité et semblent plus majestueuse que celle de la tentative vaine de l’Homme à s’oublier ; celui qui subit sa propre vie. La nature morte revient à la vie, quand l’Homme feint de faire le mort. Ce contraste révélé à travers le support d’images superposées est profondément intéressant.