Dès aujourd’hui, le mardi 29 septembre, l’Association Étudiante de l’Université de McGill (AÉUM), sera sans Directrice Générale (DG). Jennifer Varkonyi, nommée à ce poste en février dernier a annoncé son départ il y a trois semaines. Elle a quitté son bureau du bâtiment Shatner hier soir, le téléphone à la main, en parlant au Délit.
Les raisons de son départ sont « personnelles ». Kareem Ibrahim, le président de l’AÉUM, avec qui Le Délit s’est entretenu en exclusivité hier matin a estimé qu’il ne pouvait pas nous donner les raisons de son départ, sous couvert d’une certaine confidentialité. Il a qualifié cette démission de « très déstabilisante » et l’a jugée « dommage », mais a affirmé qu’il respectait « cette décision ». Jennifer Varkonyi, après une réponse par courriel tout aussi officielle que lapidaire, nous a laissé comprendre qu’il s’agissait de raisons familiales sur lesquelles elle ne souhaitait pas s’étendre.
Il est regrettable qu’une information aussi importante n’ait pas été relayée plus tôt, et que même aujourd’hui nous devions traquer l’information pour se faire une image objective de la situation. L’équipe de l’AÉUM a préféré organiser un plan de contingence en urgence avant même de prévenir les étudiants qui sont pourtant les premiers concernés par la stabilité d’une association qui les représente et qu’ils financent. Il nous a fallu passer nos courriels au peigne fin et compter sur nos contacts personnels afin de comprendre l’ampleur de la situation. Un manque de communication et un mystère bureaucratique qui pourraient expliquer pourquoi l’affaire –pourtant grave– n’a pas été couverte par l’ensemble des journaux étudiants.
Le poste de DG de l’AÉUM est d’une importance capitale pour l’équilibre de l’institution et pour sa durabilité face aux changements annuels des équipes exécutives d’étudiants élus. Le DG supervise trois portfolios concernant le bâtiment Shatner, les finances de l’AÉUM, et les ressources humaine de l’association. Ce sont des dossiers qui nécessitent un suivi régulier sur le long terme. La dernière DG, Pauline Gervais, avait quitté le paquebot après 12 ans de service. Le Directeur Général –qui n’est pas un étudiant mais bien une personne diplômée ayant déjà eu de l’expérience dans la gestion d’institution et d’équipes de cette envergure– est en quelque sorte le gardien de la mémoire institutionnelle de l’association. Une charge presque maternelle vis-à-vis des étudiants élus pour seulement quelques mois à la tête de l’AÉUM, changeant de visage comme d’idéologie, et de manière de fonctionner comme de programme.
Le Président de l’Association étudiante pour l’année 2015–2016, Kareem Ibrahim, l’admet, cet évènement est extrêmement déstabilisant : c’est « quelque chose qui pourrait changer le cours de l’année entière ».
Déjà cette démission déstabilise énormément l’organisation de l’AÉUM. Avant qu’un nouveau DG ne soit recruté, les responsabilités de la DG seront en majorité transférées à l’équipe étudiante de Kareem Ibrahim. Celui-ci explique qu’il reprendra le portfolio des ressources humaines sur lequel il travaillait déjà en conjoncture avec Jennifer Varkonyi. Le v.-p. aux Finances et Opérations, Zacheriah Houston, se chargera des affaires de finances autrefois couvertes par la DG. Le portfolio de la gestion du bâtiment reviendra à Kimber Bialik, v.-p, aux Clubs et Services. Même si Kareem Ibrahim estime qu’ils ont les capacités pour porter ces nouvelles responsabilités, il a aussi conscience que cela va les empêcher de mettre en place les projets pour lesquels ils ont été élus l’année dernière. L’ensemble des étudiants sera donc touché : beaucoup des promesses qui les avaient portés jusqu’aux urnes ne seront pas tenues. On se maintiendra en équilibre à défaut d’avancer.
De plus cette transition est très coûteuse pour l’AÉUM. « L’échec précipité de cette embauche nous a été coûteux » confie le président. Quant à la recherche d’un nouveau DG, elle va d’autant plus creuser le budget de l’association : Kareem Ibrahim a expliqué au Délit que les services d’un chasseur de tête coûteraient autour de 15 000 dollars. Le président de l’association admet que pour le moment il « ne sait pas encore exactement où on va trouver l’argent ». Un type de politique budgétaire « qu’on aime pas faire » dit-il ; une politique incertaine et abstraite des plus inquiétantes dirons-nous quand on sait combien les finances de l’AÉUM sont serrées.
Le départ précipité de Jennifer Varkonyi risque de causer des blessures bien plus profondes qu’un déséquilibre budgétaire ou qu’une année sans mise en place de nouveaux projets. « On ne peut pas dénier que beaucoup de la mémoire institutionnelle de l’AÉUM va être mal transférée voire perdue », nous affirme-t-on. Car chaque action de cette nouvelle équipe aura des répercussions pour le développement –ou devrions-nous dire aujourd’hui la survie?– de l’association étudiante. Comment de simples étudiants en Baccalauréat, comparables à chacun d’entre nous, pourront porter autant de responsabilités sans le soutien et l’expérience d’un directeur ? Comment former un nouveau directeur apte à assurer la pérennité de l’institution ? Comment expliquer un événement si précipité ? Comment ne pas répéter les mêmes erreurs ?
Ainsi l’AÉUM se retrouve dans la tourmente. Malgré l’attitude tant bien que mal positive et le sourire de Kareem Ibrahim, beaucoup de questions se posent : que va devenir l’institution censée représenter les étudiants ? Quid du programme des candidats ? Va-t-on assister à un statu quo par rapport à l’année dernière – préférable à une débandade, certes, mais bien loin des espoirs suscités en début d’année par la nouvelle équipe exécutive ? Ou bien aura-t-on le droit à l’effondrement des trois piliers de l’association, à savoir améliorer « l’accessibilité et la qualité de l’éducation », fournir « des services de qualité » et « promouvoir des opportunités sociales, culturelles et personnelles » ? Avec une direction amputée et une gestion qui risque de prendre des allures de soins palliatifs, les motifs d’inquiétudes sont grands.
Un communiqué de presse de la part du Président de l’AÉUM sera publié dans le courant de la semaine.