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L’ennemi, ce sont les livres

Retour sur l’adaptation cinématographique de la dystopie Fahrenheit 451.

Chloé Anastassiadis | Le Délit

C’est au Théâtre Outremont que l’adaptation de Fahrenheit 451, par le réalisateur François Truffaut a été diffusée dimanche 27 septembre. Réalisé en 1966, ce film est aujourd’hui présenté parle Festival International de la Littérature (FIL) dans le cadre des Journées de la Culture. Il présente une époque future sombre, durant laquelle la lecture est interdite et les pompiers ont pour mission de brûler tous les livres existants. Il ne s’agit cependant pas d’une dénonciation de la censure, malgré les nombreuses idées reçues : « Le peuple se complaît dans son état de béatitude comme des automates obsédés par le divertissement » explique Thomas Hellman, chanteur et chroniqueur littéraire diplômé de McGill. 

Chloé Anastassiadis | Le Délit

L’histoire serait inspirée d’évènements historiques tels que l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie ; les autodafés, ou encore les « actes de foi », qui se sont répétés récemment à Mossoul, en Irak. Ces actes ont pour but l’abdication de la raison au nom d’une vision unique du monde. Fahrenheit 451 examine donc l’aspect matériel de la culture, qui sera finalement intériorisé à la fin du film, le tout avec les touches d’humour du réalisateur.

Suite à la projection, Thomas Hellman a tenu une discussion avec les spectateurs. On souligne alors les similitudes entre Le meilleur des mondes de Aldous Huxley, 1984 de Georges Orwell et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, œuvres qui présentent chacune des formes diverses de sociétés totalitaires. Des systèmes dans lesquels, pour atteindre le bonheur, on tente de rendre tous les citoyens égaux, et d’enlever aux individus leur « supplément d’âme ». Lors de la discussion, la thèse que défend Hannah Arendt dans La crise de la culture a très justement été mise en parallèle avec le film. Cette dernière souligne la confusion entre culture et divertissement, le consumérisme et l’aspect staliniste du rôle de l’artiste ; ses œuvres doivent être aussi réalistes que possibles pour rendre crédible ce semblant d’égalité entre tous les individus. 

Le livre et le film, datent respectivement de 1953 et 1966. Ils présentent un univers futuriste, dans lequel le divertissement et les médias ont prit le dessus sur la culture et les livres. Néanmoins, l’œuvre de Bradbury est beaucoup plus axée sur la science-fiction que ne l’est son adaptation cinématographique qui semble étrangement contemporain malgré son ancienneté. La version de Truffaut est tout de même plus porteuse d’espoir que le livre ; le personnage de Clarisse et la femme du personnage principal, Montag, sont jouées par la même actrice, et représentent respectivement l’anticonformisme et le conformisme.Dans le livre, Clarisse disparaît rapidement, tandis que dans le film, elle est présente jusqu’au bout et laisse à l’anticonformisme une chance de survivre. Malgré l’âge des œuvres, les « prédictions » et les similitudes vis-à-vis de notre réalité sont saisissantes, alors que le livre ne se veut pas être une œuvre d’anticipation.

Samedi 26 septembre, une autre discussion sous forme d’un café philosophique a eu lieu dans le cadre du FIL : « Devons-nous brûler nos livres ? » en était la problématique centrale. Des questions concernant le futur des bibliothèques et des livres ont été abordées : qui a le pouvoir de décider ce qui doit être conservé ou au contraire détruit ? C’est une problématique qui trouve particulièrement son sens à l’heure de l’avènement de notre ère du numérique.


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