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Faites-vous entendre !

Éditorial.

Luce Engérant | Le Délit

« J.T. baby ! » lance Lucas en ingurgitant son verre en encore moins de temps qu’il n’en a fallu aux Libéraux pour s’imposer hier soir. Étudiant de McGill venu d’Ottawa, il explique au Délit combien il est heureux et « libéré » par cette majorité libérale annoncée avant 23h00 sur les télévisions du bar Gerts. 

Des étudiants soutenant le Nouveau Parti Démocratique (NPD), interrogés par Le Délit, admettent qu’être « débarrassés de Harper » était ce qu’ils souhaitaient « techniquement », mais que le nombre de sièges très limité obtenu par le parti est une nouvelle « brutale ». 

Alexei Simakov, président des Conservateurs de McGill, reconnait quant à lui qu’après « neuf années de succès d’un gouvernement conservateur, il est démocratiquement normal qu’une transition de pouvoir ait lieu ». 

Mais cette carte du Canada, majoritairement rouge, reflète-t-elle véritablement la volonté du  peuple ? Les Canadiens font-ils réellement entendre leur voix en composant cette nouvelle Chambre des communes ? Notre système électoral est continuellement critiqué pour sa propension à donner un pouvoir tendant vers l’absolu à un Premier ministre et un parti politique qui n’ont pas forcément besoin de la majorité des électeurs – sachant que pour qu’un député soit élu il lui suffit d’avoir plus de voix que ses concurrents, et non la majorité absolue des voix de sa circonscription. Un playback électoral somme toute.

Selon les estimations d’Élection Canada à 1h32, ce n’est pas le cas de de Marc Miller, candidat libéral de Ville-Marie – Le Sud-Ouest – Île-des-Sœurs, vainqueur avec 50% des suffrages, mais c’est celui d’Hélène Laverdière, candidate NPD de Laurier – Sainte-Marie élue pour l’instant avec 36,1% des votes. Ces deux candidats, des circonscriptions qui représentent le plus les étudiants de McGill, étaient en entrevue dans  Le Délit Spécial Fédérales du 6 octobre. 

Selon ces mêmes estimations, les Libéraux possèderaient une majorité absolue à la chambre (176 sièges assurés), avec seulement 39,5% des votes. 

Ces élections, encore plus que les précédentes, furent celles du vote stratégique – qui pour certains rime avec déficit démocratique. Une plateforme internet avait même été mise en place pour permettre aux électeurs de faire leur choix en ne se basant que sur un unique critère : quel député élire pour se débarrasser de Stephen Harper ? Si la vague libérale est bien l’écho d’un consensus des Canadiens contre la politique des Conservateurs, on peut douter qu’elle soit l’expression des aspirations profondes d’un grand nombre d’électeurs ayant rangé leurs préférences derrière des raisons stratégiques. Elle doit beaucoup à la combinaison du vote stratégique et des prévisions des derniers sondages, qui ont convaincu les derniers anti-Harper de reporter leurs espérances sur Trudeau. Ainsi l’autre grand perdant de cette défaite est Thomas Mulcair, qui espérait comme beaucoup qu’une déferlante orange le mène au poste de premier ministre, et qui est à la tête d’un NPD très affaibli.

La majorité de l’équipe éditoriale du Délit et une grande partie de ses lecteurs n’ont pas eu l’occasion de voter : des Français, Belges, Algériens, Suisses… qui n’ont pas le droit de vote dans leur pays d’adoption. Cela ne doit pas être une excuse pour s’écarter de la politique canadienne. Il y d’autres moyens de s’engager, et leur impact est souvent plus direct et plus concret que le vote. S’informer pour mieux débattre, s’engager auprès des partis politiques (presque tous représentés à McGill), signer des pétitions, assister à des conférences politiques, s’exprimer dans nos pages, et bien sûr – soyons dignes de notre image de Montréalais – descendre dans la rue pour que vos voix se mêlent en un cri de foule et résonnent jusqu’à Ottawa.


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