Le Délit (LD): Parlez-nous de votre parcours
Christopher Manfredi (CM): Je suis arrivé à McGill il y a 27 ans comme un professeur adjoint, assez jeune. Je dirais même que j’avais deux ans à l’époque, mais ce n’est pas vrai (rires)! Le programme de professeur adjoint est un programme assez spécial qui existait à l’époque et qui ressemble à celui des research fellows. J’ai passé toute ma vie professionnelle à McGill. J’ai fait tout ce qu’on pouvait faire à McGill en tant que professeur : j’ai été professeur adjoint, professeur, directeur du département de sciences politiques, doyen de la faculté des Arts et puis maintenant je suis vice-principal exécutif et vice-principal aux études. C’est un honneur pour moi d’avoir pu servir l’université dans des fonctions aussi diverses pour plus d’un quart de siècle !
LD : Donc vous avez vraiment tout vu…
CM : J’ai vu beaucoup en effet, mais je n’ai pas tout vu (rires)! Il y a des coins de l’université que je connais moins, par exemple la faculté de médecine.
LD : Quelle est votre plus grande fierté en tant qu’ex-doyen de la faculté des Arts ?
CM : Il y en a beaucoup, mais je mentionnerais deux en particulier. Premièrement, il y a le programme des stages pour les étudiants de la faculté des Arts. Nous avons élargi le programme grâce au financement externe et grâce à nos anciens diplômés qui nous ont appuyés avec leurs dons. Deuxièmement, je suis très fier des relations que j’ai bâties avec les étudiants et plus spécifiquement avec les organisations étudiantes. Je vais continuer à bâtir ce type de relations dans ma nouvelle position. Par exemple, cet après-midi je vais tenir des heures ouvertes de bureau au AÉUM. Je souhaite le faire une à deux fois par session. C’est une façon pour moi d’être là où les étudiants sont et d’entendre ce qui les préoccupe.
LD : Pouvez-vous nous donner une description de vos nouvelles fonctions ?
CM : J’ai deux titres : vice-principal exécutif, une fonction budgétaire et technocratique et vice-principal aux études qui me permet de m’occuper de la mission académique de l’université.
LD : Que pensez vous des déclarations du ministre de l’Éducation François Blais qui a affirmé, dans un document obtenu par La Presse, qu’il y a beaucoup de « résistance aux changements » de la part des 12 représentants de l’Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADEREQ) qui inclut l’université McGill ?
CM : Je n’ai pas lu le document malheureusement ; je ne peux donc pas commenter cette controverse avec intelligence. Il faut que je lise le document en question.
LD : Ce dernier a qualifié son ministère de « vieillot et lent »…
CM : Il y a une certaine volonté de changement, toutefois les universités sont des institutions complexes. C’est un défi d’effectuer des changements avec autant de parties prenantes, il faut effectuer des consultations. Le processus peut sembler long parce qu’il y a beaucoup de personnes impliquées avec qui l’ont doit consulter : les étudiants, les professeurs, l’effectif administratif, etc. D’un regard extérieur, le processus parait long, mais c’est le caractère même des institutions.
LD : Est-ce que les relations entre Québec et les universités sont tendues ?
CM : Je ne dirais pas ça. McGill est une université financée publiquement par le gouvernement donc nous travaillons ensemble pour attirer le talent et faire avancer l’innovation au Québec. Nous travaillons en collaboration avec le gouvernement pour l’atteinte de ces deux objectifs qui sont importants pour la société québécoise.
LD : Quelles mesures souhaitez-vous entreprendre pour faire rayonner le français et le caractère distinct du Québec à McGill ?
CM : Nous venons tout juste de lancer le site web le French Side de McGill !
LD : Vous ne trouvez pas que ça sonne plutôt français de France ?
CM : Peut-être (rires)! Nous l’avons fait avec l’appui de l’Office de la langue française du Québec et ils ont beaucoup aimé notre approche ! Avec ce site web, nous voulons démontrer l’ouverture de McGill au français au Québec. De plus, plus de 25 % de nos étudiants sont des francophones du Québec. La société connait très peu ce côté très important de McGill. Nous faisons aussi beaucoup d’efforts pour recruter des étudiants dans les cégeps francophones.
LD : Finalement, vous vous êtes beaucoup penché sur la question du féminisme dans vos propres travaux, que pensez-vous de l’application de quotas en politique et au sein des conseils d’administration ?
CM : J’ai écrit un livre sur le mouvement féministe et ses activités dans les cours et les litiges sur les droits et libertés. Je suis expert sur ce petit côté du mouvement seulement. Selon moi, la chose la plus importante c’est l’action, de savoir et réaliser qu’il y a du talent partout dans la société, homme, femme, communautés culturelles, etc. Je pense que chaque institution et chaque personne doit procéder de sa propre manière. Comme doyen de la faculté des Arts par exemple, j’ai nommé huit vice-doyens et je suis fière que six de ces huit vice-doyens soient des femmes.
LD : Seulement 1/3 des élus sont des femmes, avez-vous des suggestions pour augmenter la présence des femmes en politique ?
CM : Je pense qu’il faut d’abord augmenter l’intérêt des femmes en politique. En tant que doyen j’ai été l’un des premiers à appuyer le programme Women in House qui va bientôt fêter son 15ième anniversaire. Ce sont des programmes comme celui-ci qui vont attirer les jeunes femmes à la politique. Par exemple, il y a une diplômée de McGill que je connais très bien, Karina Gould, qui vient d’être élue au parlement et qui avait participé au programme Women in House. De plus plusieurs diplômées de ce programme travaillent maintenant à Ottawa comme adjointes pour les parlementaires. Comme directeur et doyen, je suis fier d’avoir appuyé ce programme-là !