C’est à l’occasion du lancement du collectif « Les journalistes pour la survie du journalisme » que la librairie Olivieri a tenu le mercredi 21 octobre dernier une causerie sur la situation du journalisme d’aujourd’hui et de demain. La petite librairie de Côte-des-Neiges était remplie à sa pleine capacité, réunissant presque tous les collaborateurs du collectif, journalistes de profession et professeurs de journalisme, ainsi que plusieurs étudiants au Certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Les participants de cette discussion d’environ une heure animée par Pierre Cayouette, éditeur aux Éditions Québec Amérique, étaient trois figures importantes du journalisme québécois : Lise Millette, Alain Saulnier et Robert Maltais.
Une crise sans précédents
Fermetures de quotidiens, pertes d’emplois, conditions de travail des journalistes à la baisse, et bien plus encore, sont aujourd’hui les symptômes d’une crise sans précédent pour le journalisme. La révolution numérique causerait l’effritement graduel des médias traditionnels. Robert Maltais, directeur du Certificat en journalisme à l’Université de Montréal, a expliqué que la trop grande quantité de médias et la surabondance d’informations nuisent à la qualité du contenu, le rendant toujours plus superficiel, et allant à l’encontre de l’essence même du métier. « Des monstres à nourrir à la minute », déclarait Maltais, en faisant référence aux médias d’aujourd’hui. À l’ère numérique, la course à l’information est peine perdue pour les journalistes de formation : les plateformes telles que Twitter permettent la production instantanée de nouvelles par quiconque possédant un téléphone intelligent. Bien que ces championnes de la rapidité aient permis un accès à l’information lors de mobilisations majeures, tel que le Printemps arabe, Maltais sonne l’alarme de la désinformation.
La lutte n’est pas perdue
Qui est journaliste ? Qui ne l’est pas ? Le défi des journalistes du 21e siècle est éthique : rétablir la maîtrise des sujets, la véracité de l’information et ainsi le statut de référence du métier. De son côté, Alain Saulnier, ancien directeur de l’information à Radio-Canada, a prédit que le journalisme d’enquête sera l’élément clé pour la survie du métier. Non seulement permet-il une analyse plus profonde des sujets, mais, ouvert à de nouveaux enjeux, il élargit la diversité de l’information. La solution serait, selon lui, une plus grande spécialisation des journalistes. Il a ajouté que ceux-ci ne doivent pas attendre l’aide financière du gouvernement : ils doivent se battre pour conserver leur place.
Lise Millette, présidente actuelle de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, demeurait la plus optimiste. « Le journalisme trouvera sa voie », a‑t-elle déclaré sur un ton décidé. Bien que consciente de l’affaissement du journalisme « de terrain » suite à l’émergence de nouveaux médias, elle affirmait que l’essence du métier n’a pas changé. L’information évolue, certes, mais elle est toujours présente. Le défi des journalistes d’aujourd’hui et de demain serait donc, selon elle, de s’adapter à l’ère numérique et de susciter l’intérêt des auditoires. Interrogé par Le Délit pour l’occasion, Alain Saulnier a finalement délivré une pensée sur le journalisme étudiant, également concerné par la lutte pour la survie du « métier dont la tâche consiste à témoigner de la marche de l’humanité ». Les étudiants seraient, selon lui, des acteurs tout aussi essentiels dans l’établissement d’un journalisme « permettant d’acquérir un accès à la diversité d’opinions à une époque où les médias traditionnels sont menacés ».
Au sortir de cette soirée, on pouvait conclure que le métier de journaliste est actuellement menacé et fait face à plusieurs défis. La détermination des conférenciers dans leur plaidoyer laissait toutefois l’auditoire sur une note positive. La crise actuelle n’est pas un signe de l’effondrement du métier, mais plutôt un appel à sa redéfinition nécessaire, au cœur de la révolution numérique.