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Ces bijoux du 20e siècle

Les classiques vibrent sous la direction de Kent Negano. 

Amélia Rols

Kent Nagano, directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) nous offre ce mercredi 21 octobre 2015, le meilleur de la musique du 20e siècle. De Stravinsky à Ravel, en passant par Strauss l’orchestre livre au public un recueil d’œuvres majeures de certains rois de la symphonie. 

Tout commence par le brouillard. Le long frottement des archets, l’inquiétante montée des cuivres comme le vent qui hurle. L’orchestre symphonique, exceptionnellement grand, amène son public vers l’inconnu, enchante. Puis l’histoire commence : un conte de fées où un héros chevalier, victime d’un terrible sorcier, ne doit sa vie qu’à un oiseau de feu. Les battements des ailes sont les dissonances ; l’amour du héros pour une princesse prisonnière engage les harmonies. Trois trompettes passeront à travers le public tout au long de l’œuvre : elles joueront du premier balcon, des coulisses ou encore de l’orgue, plus criantes à mesure que le héros retrouve sa liberté. Quant au sorcier, il est ces coups d’archets hachés et répétitifs, signe distinctif de Stravinsky, compositeur de L’Oiseau de Feu en 1910. C’est cette même vigueur rythmique qui fera du Sacre du Printemps, du même compositeur, ce qu’il est aujourd’hui : une icône musicale. Nous sommes là dans les débuts du 20e siècle, celui des contretemps et des juxtapositions d’un tableau à l’autre, répudiant en outre les habitudes de l’ère classique.

Amélia Rols

Après Stravinsky – qui se jouera sans ballet, mais est-ce vraiment nécessaire pour apprécier l’œuvre ? – voilà que Don Juan de Strauss nous est présenté. Don Juan, l’âme damnée si libertaire et provocatrice, condamnée à mourir pour n’avoir jamais pu être libre. Sa mort, non pas tragique comme Molière l’eut suggéré, se traduit en un accord pianissimo – Don Juan meurt, si l’on veut, dans l’intimité de son hérésie.

Il faut attendre la troisième et dernière œuvre, néanmoins, pour réaliser la puissance de la musique du 20e siècle. Ce n’est pas Bartòk et ses mesures criantes ; encore moins Boulez et son « sérialisme intégral » (l’idée de rendre toute note indépendante l’une de l’autre sur une même partition, créant un sentiment de cacophonie entièrement codée et contrôlée). C’est tout simplement le Boléro de Ravel. 

« Quand les cordes des violons se brisent et que les hanches des vents craquent, c’est le public entier qui est électrisé. »

Le rythme de la caisse claire, pianissimo et inébranlable : dix-huit temps, les mêmes encore et toujours. D’abord une flûte, puis une clarinette, puis un basson. Un peu plus tard un cor anglais, un hautbois et un trombone. Toujours cette même mélodie qui s’accroche aux tripes, les yeux se ferment sur nos sièges. On se balance, limpides ; pas d’à‑coup, toujours la même chose, toujours plus fort, toujours plus puissant. Et aux derniers moments des treize minutes de l’œuvre, quand l’orchestre atteint le fortissimo possibile, quand les cordes des violons se brisent et que les hanches des vents craquent, c’est le public entier qui est électrisé. Les murs tremblent et les poils se dressent. Il n’y a pas musique plus parfaite et entière que celle-ci.

Ravel le disait en 1928 : « Mon chef‑d’œuvre ? Le Boléro, voyons ! Malheureusement, il est vide de musique ». De vie, peut-être. Mais de puissance… Dieu, Ravel, quelle puissance !


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