Le théâtre du Rideau Vert s’ouvre sur le monde en proposant la pièce Napoléon Voyage, mise en scène par Philippe Lambert et Jean-Philippe Lehoux. Auteur, comédien et compositeur diplômé de l’École nationale de théâtre, ce dernier a remporté en 2013 la Prime à la création Gratien-Gélinas pour sa pièce L’écolière de Tokyo. Sur la scène de Napoléon Voyage, il n’y a que deux acteurs. Lehoux joue son propre rôle et Bertrand Lemoyne, lui, produit en direct la bande son du spectacle d’une voix qui transporte sur la mélodie douce des instruments. Le principe de l’œuvre de Lehoux, c’est tout simplement de raconter les souvenirs de ses derniers voyages en Bosnie, au Japon, en Angleterre, en Syrie, en Norvège et à Cuba. Il conte les expériences très personnelles qui ont rendu ces voyages si mémorables : des rencontres incongrues et des mésaventures qui feront pouffer le public pendant une heure et demie.
Monologue transporteur
Toute la pièce tourne autour du monologue du voyageur. Il explique pourquoi il est si attaché à ce désir masochiste de partir loin de chez lui, d’abandonner sa mère et ses habitudes confortables pour explorer des endroits plus ou moins beaux où il lui arrive parfois des choses peu désirables. C’est ce besoin de « sortir de moi-même pour mieux me retrouver », dit-il philosophiquement.
Le curieux qui voyage se prend typiquement pour un aventurier intrépide qui explore le monde, à l’image du légendaire Marco Polo, et n’admet jamais qu’il n’est qu’un touriste qui se promène avec un visa à durée déterminée. Jean-Philippe Lehoux fait ce constat peu glorieux lorsque, dans l’avion pour Cayo Coco (Cuba), il se rend compte qu’il n’a rien d’un Naopléon Bonaparte moderne. Ouvrant un magazine de voyage, il lit un article sur le grand homme qu’il admire et remplace le nom du héro par le sien, Lehoux, se positionnant déjà comme le grand voyageur qu’il voudrait être.
Mépris du touriste apathique
Dans son œuvre, l’auteur maladroit et souvent angoissé se rappelle ses aventures et en profite pour se moquer des touristes français qu’il a aperçu lors de l’ascension d’une montagne syrienne. « Oh bah c’est pas le Mont-Saint-Michel hein ! » imite le Québécois, avant d’expliquer que les touriste parisiens pressés sont en fait restés huit minutes sur le site historique avant de poursuivre la course qu’ils osaient appeler un voyage. Lehoux fait une critique hilarante du touriste moderne qui, ironiquement, découvre son voyage en regardant ses photos de retour chez lui.
Éthique du bon voyageur
Lehoux ajoute qu’il faut rencontrer les gens, passer du temps, même sur les lieux qui ne sont pas très connus, et s’imprégner de l’endroit que l’on visite. « Les gens habitent pas dans un musée là ! » s’exclame-t-il pour démontrer que les Bosniaques ne pensent pas tous les jours aux cicatrices laissées par les guerres de Yougoslavie, qu’ils ont tourné la page.
Dans son monologue qui coule tout seul, Lehoux est accompagné par le chanteur et musicien Lemoyne, qui reprend des chansons de voyage assez « clichés » ajoutant une touche très agréable au spectacle et rappelant les films de roadtrip. Le musicien est un auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, arrangeur et réalisateur qui travaille dans le milieu culturel québécois depuis une vingtaine d’années.
Lehoux n’a pas eu besoin de nous montrer ses photos de vacances pour rendre compte de ses aventures. C’est ce qui rend la pièce si touchante, à l’heure où l’on suit plus souvent les périples de ses amis grâce aux photos Facebook que par leurs récits passionnés.