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(Chère) humanité

Un court-métrage éloquent sur les dangers du nucléaire.

Amélia Rols

Dans le cadre des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM), Ah Humanity !, film documentaire de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor, était présenté en compétition dans la catégorie « courts-métrages ».  Après le succès de Léviathan en 2012, documentaire sur l’industrie halieutique, le duo de réalisateurs signe avec Ah Humanity ! un film à la force dérangeante. 

Prenant pour point de départ l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, Ah Humanity ! est une plongée dans un environnement gangréné par la menace invisible de la radioactivité. La caméra de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor retranscrit de manière impressionnante la réalité d’un quotidien apocalyptique. Ici, pas de plans fixes de paysages paradisiaques : la caméra vacille, se déplace, s’agite en permanence et transmet ainsi l’expérience de la détresse et de l’horreur. On y découvre une ville à l’urbanisation anarchique, cernée par les usines, condamnée au chaos par l’imprudence destructrice de l’usage de l’énergie nucléaire. 

Ah Humanity ! prend des allures de prophétie.

La force du film réside dans son traitement inédit de l’image : saisissant le paysage par un téléphone portable au travers d’un télescope, le tremblement de la caméra produit des images saccadées et extrêmement vivantes. Cette transcription de la réalité parvient à faire ressentir au spectateur un sentiment d’angoisse, le plongeant dans un univers inquiétant et incontrôlable. L’immersion du spectateur est totale. La composition sonore participe également à la construction de ce climat apocalyptique : mélange de sirènes, de cris, d’enregistrements sismiques et de films japonais qui s’inspirent de catastrophes nucléaires, comme Black Rain de Shohei Imamura ou Virus de Kinji Fukasaku. Le film s’inscrit donc dans un dialogue sur la fragilité de la vie humaine face aux dangers du nucléaire et communique à la perfection la désorientation des êtres humains face à la prise de conscience de la toxicité de leur environnement. 

Amélia Rols

Au-delà d’un travail remarquable sur le plan artistique, le film soulève de nombreuses questions environnementales. La diminution des émissions de CO2 étant l’un des enjeux principaux de la COP 21, certains organismes, comme la Société Nucléaire Américaine (ANS), se sont prononcés en faveur de l’énergie nucléaire pour faire face au réchauffement climatique. Plusieurs associations, dont Greenpeace, ont quant à elles souligné la contradiction inhérente à cette proposition : non seulement le nucléaire ne permettrait pas de réduire efficacement l’émission de gaz à effet de serre, mais les dangers qui lui sont associés sont trop importants pour espérer remédier à la destruction de l’environnement en y ayant recours. Ah Humanity ! prend ainsi des allures de prophétie, mettant en garde contre une industrie en mesure d’anéantir la planète. 

Troublant et alarmant, le dernier film de Véréna Paravel illustre avec talent la démesure des activités nucléaires et sa menace concrète. C’est une œuvre profonde, invitant à la réflexion et à la remise en cause d’une industrie destructrice. Percutant et superbement exécuté, Ah Humanity ! est assurément, malgré ses (trop courtes) vingt-trois minutes, un grand documentaire. 


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