La saison cinématographique est décidément bien chargée. Après la sortie de Star Wars, Épisode VII : Le Réveil de la Force c’est au tour du dernier film de Quentin Tarantino de paraître sur le grand écran. Les Huit Enragés est donc sorti au Québec le 25 décembre 2015. Nous sommes plongés dans l’État du Wyoming aux États-Unis quelques années après la Guerre de Sécession. Dans ces montagnes enneigées, deux chasseurs de primes se dirigeant vers la même ville sont poursuivis par un blizzard. Ils rencontreront un troisième personnage et voyageront ensemble vers la seule auberge sur le chemin. Une fois arrivés, de multiples situations seront prétextes à une lente montée de tension.
Fuyez toute information sur le film, vraiment. Que l’on soit un habitué ou non de Tarantino, ce film est surprenant. La surprise n’est pas à prendre ici au sens de multiples révélations en chaîne. Mais plutôt par rapport à la réalisation traditionnelle des films d’action, qui d’ordinaire sont très brouillons et ne nous laissent jamais le temps de souffler. Jusqu’à nous en dégoûter – un fait que Jupiter Ascending du duo Wachowski explorait très astucieusement. Ici, vous prendrez votre temps avant que tout explose. Vous verrez de sublimes paysages, qui ne serviront pas uniquement de cadre mais aussi d’acteur, pendant presque la moitié du film,: vous en aurez plein les yeux. La montagne sur laquelle crapahutent les personnages au début du film menacera en permanence leur vie.
Nuances scripturales
Malheureusement, ce rythme pourra passer auprès de certains pour de la lenteur. Surtout si on le compare aux carcans hollywoodiens. Nous sommes en face d’un artiste qui sait instiller les émotions les plus sauvages – au sens de « primaires » – chez ses personnages : la peur, l’amour, l’instinct de survie. Néanmoins, malgré cet aspect, les personnages sont tous attachants. Ici, nul bon ni méchant. Chacun possède une part de motivation noble, sinon juste, mais aucunement « bonne ». Nous nous écartons des deux archétypes d’anti-héros qu’il arrive de rencontrer : ceux qui font du mal pour leur propre satisfaction, et ceux qui font le mal pour défendre une cause juste.
« Nous nous écartons des deux archétypes d’anti-héros qu’il arrive de rencontrer »
Les dialogues sonnent toujours très justes. Passionnants, ils plongent très facilement dans l’histoire et sont chargés en émotions. Ceux qui ont vu le film se rappellent tous de la scène passionnante où le major Marquis parle du fils du général Sanford Smithers. Le thème du racisme est aussi abordé de manière très subtile et drôle à la fois. Néanmoins, certaines critiques font part d’un sous texte à propos des violences faites aux femmes qui nous ont paru complètement hors-propos. Pour ce nouveau film, le réalisateur nous plonge à nouveau dans l’univers du western, comme il avait précédemment fait avec Django Unchained. Et l’on retrouve ainsi un grand nombre de ses gimmicks. Les plans larges de la première partie du film rendent très bien l’immensité et la beauté des décors. Le passage à l’auberge s’accompagne d’un changement de focale, plus courte, qui rend plus tangible l’enfermement et les sentiments des personnages. La sensation de huis-clos est renforcée par le jeu autour de la porte de l’auberge : cette dernière n’a plus de loquet, il faut successivement la défoncer puis la clouer pour l’ouvrir et la fermer. Les habitués reconnaitront les autoréférences, notamment à travers la présence de plans zénithaux.
On pourra aussi s’étonner d’une narration extradiégétique (avec une voix off, ndlr), sobre, pour accompagner ces flash-backs, procédé jusque-là très rare dans les films de Tarantino. Les Huit Enragés est un très bon film. Il réussit le mélange des genres – thriller, western. Les dialogues sont travaillés ainsi que les plans. La violence n’est pas que barbare mais aussi « cathartique ». Tarantino arrive à faire évoluer son propre cinéma tout en étant formellement très correct, et, malgré quelques facilités scénaristiques continue d’affirmer sa maîtrise du septième art.