Prisonniers, coincés, piégés dans leur propre calvaire. La couverture du Délit tente d’illustrer la situation des 4,5 millions de réfugiés syriens récemment comptés par l’ONU. Contraints de quitter leur pays pour leur survie, beaucoup se sont installés dans des camps de réfugiés voisins, où les conditions sociales et sanitaires sont difficiles. D’autres ont pu bénéficier de programmes d’accueils dans des pays plus lointains, en Europe ou ailleurs ; mais leur situation et leur intégration restent très difficiles — comme en témoignent les tensions actuelles en Allemagne. Plus de quatre millions d’humains demeurent enfermés entre quatre murs : celui de la menace constante en Syrie, celui de refus de leur accueil par un grand nombre de pays, celui de la stigmatisation et du racisme, et enfin celui de la difficulté de refaire sa vie ailleurs.
Le projet de Justin Trudeau qui prévoit l’accueil de 25 000 réfugiés au Canada d’ici la fin du mois de février, se présente comme une politique humanitaire, pour beaucoup une source d’espoir. Elle représente aussi un virement et un vent de changement pour le gouvernement canadien qui, ayant pourtant des précédents humanitaires, a pris un retard considérable en matière d’accueil des réfugiés depuis le début du conflit syrien
L’édition du Délit de cette semaine a pour but d’expliquer, décortiquer, louer, interroger et même critiquer cette politique d’accueil des réfugiés syriens au Canada par le gouvernement libéral.
Esther Perrin Tabarly (p.9) enquête les conditions d’accueil des réfugiés syriens sur le sol canadien. Elle interroge aussi deux associations – La Fondation d’Alep et l’Alliance Canadienne pour l’Aide aux Syriens (CASA) – qui viennent en aide aux arrivants.
Ikram Mecheri a réalisé une entrevue avec Danielle Létourneau (p.16) qui a lancé l’initiative de l’association 25 000 Tuques. Elle explique au Délit comment elle a décidé de tricoter 25 000 tuques pour les 25 000 réfugiés que Justin Trudeau a promis d’accueillir.
Enfin, dans un article d’opinion, Chloé Anastassiadis (p.8) nuance tout de même l’ovation qui se doit d’être faite quant à la politique du Canada vis-à-vis des Syriens. En effet, Chloé Anastassiadis rappelle que le gouvernement n’a pas encore arrêté les frappes en Syrie et a récemment vendu du matériel militaire à l’Arabie Saoudite.
Les étudiants membres de l’équipe du Délit ont conscience du privilège qu’ils ont : vivre en sécurité, étudier et, pour certains, avoir pu être intégrés immédiatement au sein de la société canadienne après avoir immigré pour leurs études. Nous souhaitons rappeler que l’éducation est un droit reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Nous tenons à exprimer notre solidarité avec ces Syriens de nos âges. Mais la sympathie seule ne suffira pas : il faut aussi appeler à l’action plutôt qu’être complices implicites de cette crise humanitaire.
La communauté mcgilloise tente de répondre à cette crise humanitaire et partager avec de jeunes Syriens certains des privilèges dont nous bénéficions. En partenariat avec EUMC (Entraide Universitaire Mondiale du Canada) et son Programme d’étudiants réfugiés (PER), McGill a récemment annoncé l’accueil de 19 étudiants syriens supplémentaires pour septembre 2016. L’association permettait déjà d’accueillir à McGill deux étudiants syriens par an. Ces derniers étaient alors aidés par une bourse financée par une cotisation des étudiants sur leurs frais de scolarité. Aux actions de EUMC s’ajoute l’initiative d’un groupe d’étudiants des résidences de McGill. Ces derniers ont organisé des sessions Skype, offrant des cours d’anglais à de jeunes Syriens déterminés à passer le TOEFL dans le but de poursuivre leurs études au Canada.
Il est important de saluer les efforts effectués par le gouvernement, les citoyens canadiens et les différentes associations impliquées sur le campus ou au-delà.
Toutefois, et malheureusement, il est aussi fondamental de souligner que ces efforts ne suffisent à aider qu’une petite minorité des populations touchées par les conflits. En décembre 2015, Le Délit et The Daily publiaient une édition spéciale sur la durabilité : ce concept s’applique aussi à la lutte quotidienne et de long terme contre les désastres humanitaires.