Le Comparative Health Systems Program (Programme de comparaison des systèmes de santé, ndlr) organisait jeudi dernier un symposium sur la santé des populations autochtones du Canada. Trois chercheurs ont présenté leurs travaux afin d’informer et de sensibiliser les étudiants sur les déterminants sociaux de la santé des peuples autochtones – ces grands oubliés des politiques canadiennes.
Une insécurité alimentaire significative
Il peut paraître surprenant qu’au Canada, pays considéré comme un modèle en matière de « développement », l’insécurité alimentaire reste encore un problème pour 10% de sa population et pour les collectivités autochtones en particulier. C’est pourtant les statistiques que nous a communiqué le Dr. Humphries, professeur et chercheur en biologie à McGill.
Récemment élu directeur au Center for Indigenous People’s Nutrition and Environment (Centre de nutrition et de l’environnement pour les peuples autochtones, ndlr), ses projets consistent à collaborer avec les communautés autochtones afin de garantir la conservation de leur système alimentaire traditionnel. Pour échanger avec ces derniers, le Dr. Humphries et ses collègues s’aventurent dans ces territoires isolés du Nord du Canada, qui pour trop de monde n’évoquent qu’un grand désert de glace. La moitié des 1,4 millions d’autochtones continue pourtant de vivre dans ces régions rurales difficiles d’accès. Une fois arrivés, les chercheurs s’aperçoivent rapidement de l’importance culturelle et surtout vitale de l’alimentation traditionnelle pour les Inuits, Métis et Premières Nations. Plus de 540 espèces animales et végétales servent à les nourrir tout au long de l’année.
Les effets du changement climatique se font particulièrement ressentir dans ces régions, venant dérégler les systèmes écologiques et ainsi accroître l’insécurité alimentaire. Par ailleurs, s’alimenter dans les rares échoppes qui ont été implantées n’est pas une option viable quand le litre de lait est à 10 dollars et le panier de pommes à 16.
Un système de santé néocolonial
À l’insécurité alimentaire s’ajoute un système de santé qui, hors des zones urbaines, peine à remplir sa mission. C’est du moins ce que conclut le Dr. Pringle de son expérience d’infirmier dans une réserve des Premières Nations au Manitoba. Il est sans équivoque : Santé Canada entretient avec les Premières Nations une relation « terrifiante et néocoloniale ». Manque de moyens, sous-effectifs, du personnel infirmier surmené et propulsé au sein de communautés dont ils ignorent la culture (conduisant l’un d’entre eux à succomber d’un arrêt cardiaque), sont autant de problèmes qui font de Santé Canada une institution non seulement inefficace mais raciste.
Quelles solutions ?
Pour le Dr. Pringle, la solution réside dans un changement d’économie politique et dans l’élimination du racisme institutionnel. Il met aussi l’accent sur l’expérience personnelle : « Il est plus important de changer de manière de voir que de changer de paysages » est le message qu’il souhaite que les étudiants retiennent de son intervention. En effet, garantir la santé des populations autochtones nécessite avant tout de laisser les premiers concernés s’exprimer et établir les solutions qui leur semblent cohérentes et respectueuses de leur(s) culture(s).
Une fois les politiques mises en place, il faut en vérifier les effets sur la santé des populations. Le troisième intervenant, le Dr. Muhammad Farhan Majid, travaille sur un projet qui ambitionne cet objectif. Maternal and Child Health Equity (Équité de la santé maternelle et infantile, ndlr) est un programme de recherche international qui vise à évaluer l’effet des politiques sociales sur la santé des enfants et des femmes de moins de cinquante ans. Bien qu’intéressant, il est regrettable que le Dr. Muhammad Farhan Majid n’ait pas donné d’exemples de rapports qui concernent la santé des populations autochtones.