Jeudi dernier avait lieu l’inauguration du cycle « Hubert Aquin : profession écrivain » à la Médiathèque littéraire Gaëtan-Dostie, qui vise à célébrer le cinquantenaire de la publication de Prochain épisode, le chef‑d’œuvre de l’écrivain québécois.
« Rien ne remplace la lecture des livres »
La première partie de la soirée était consacrée à la projection de deux court-métrages de Vincent Guignard autour de l’œuvre d’Aquin, réalisés à quinze ans d’intervalle : Élégie hélvétique (Hubert Aquin en Suisse) (2000) et Portrait d’un jeune homme en lecteur aquinien (2015). Si ces deux films sont un témoignage d’admiration d’un lecteur envers l’auteur québécois et son « roman d’espionnage », ils n’apportent que peu de choses à la puissance du premier livre d’Aquin. Élégie hélvétique (Hubert Aquin en Suisse) est une sorte de documentaire sur les différents séjours que l’auteur effectua dans la Confédération, ponctué par quelques citations marquantes de Prochain épisode, dont l’action se déroule en partie en Suisse.
Dans Portrait d’un jeune homme en lecteur aquinien, on suit le jeune homme en question dans les Fonds d’Archive Hubert Aquin à l’UQAM, où il feuillette et lit en chuchotant les manuscrits et éditions originales d’Hubert Aquin. En citant des extraits de Prochain épisode et du Journal de l’écrivain, le second court-métrage restitue sa prose obsessionnelle, notamment par le procédé d’itération (action de se répéter, ndlr). Confiné dans un espace clos, comme le narrateur de Prochain épisode, le lecteur aquinien chuchote : « J’écris sur une table à jeu, près d’une fenêtre qui me découvre un parc cintré par une grille coupante qui marque la frontière entre l’imprévisible et l’enfermé. Je ne sortirai pas d’ici avant échéance. Cela est écrit en plusieurs copies conformes et décrété selon des lois valides et par un magistrat royal irréfutable. »
Épisodes passés
Ce qui ressort des films, c’est surtout le style d’Aquin. Comme le rappelle un de ses amis présent dans la salle de projection de la Médiathèque, rien ne remplace la lecture des livres.
Après la projection, Gaëtan Dostie — fondateur de la médiathèque — a convié Andrée Yanacopoulo, la veuve d’Aquin — suicidé en 1977 — pour se remémorer celui avec qui elle partagea quatorze années de sa vie. Le tutoiement est de rigueur pour ces deux amis de longue date, et ils invitent d’autres proches présents à participer à leur discussion, notamment Jacques Allard, qui a mené l’édition critique des œuvres complètes d’Aquin.
L’entretien est intime, drôle — Andrée Yanacopoulo raconte quelques anecdotes, notamment sa première rencontre avec celui qui est à l’époque réalisateur pour Radio-Canada et l’ONF (Office nationale du film, ndlr), lors d’un dîner d’universitaires. Alors qu’elle faisait des recherches à l’UdeM sur la dépression au Canada français, Aquin venait d’écrire son célèbre article dans Liberté, « La fatigue culturelle du Canada français ». C’est par la dépression qu’ils se sont connus, ce qui prête à sourire — d’un sourire noir et tragique — quand on sait que la vie d’Hubert Aquin a été traversée par ce mal, jusqu’à qu’il mette fin à ses jours.
Le cycle « Hubert Aquin : profession écrivain » se poursuit à la Médiathèque littéraire Gaëtan-Dostie cette semaine. Seront projetés un téléthéâtre et des documentaires d’Aquin, notamment Le sport et les hommes, un documentaire né de sa collaboration avec Roland Barthes, ce jeudi à 20h. Des documents exceptionnels à ne pas manquer.