Réalisé par Christian Vincent, L’Hermine, est sorti dans les salles de Montréal le 11 mars. Il met en scène l’acteur français Fabrine Luchini dans la peau de Michel Racine, récompensé pour ce rôle par le prix de la meilleure interprétation masculine de la Mostra de Venise 2015. On retrouve aussi l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen, notamment connue pour son interprétation de la première ministre danoise dans la série Borgen, également récompensée dans l’Hermine pour son rôle en tant que Ditte Lorensen-Coteret dans la catégorie de la meilleure actrice dans un second rôle aux Césars 2016.
L’Hermine surprend avec un scénario original et rare dans le cinéma français : celui d’une séance en cour d’assises et du rapport des jurés face à la justice. Un sujet finalement peu connu du large public, qui associe généralement la justice bien plus avec les séries américaines et les procès théâtraux que ces dernières peignent, qu’avec la réalité d’une audience de cour française. La mise en scène d’un procès de cour d’assises est captivante et très réaliste dans son ensemble. On assiste à presque l’intégralité du procès, qu’il s’agisse des séances d’audiences, avec la succession de témoins et des plaidoiries des avocats, ou des délibérations des membres du jury. L’importance du jury dans les affaires criminelles est mise en avant, présentant notamment des jurés très variés, issus de milieux sociaux différents les uns des autres.
Incontestablement, le film charme par le jeu des acteurs. Fabrice Luchini joue le rôle d’un magistrat redouté et très peu apprécié à la cour d’assises de Saint-Omer, près de Lille. Alors qu’il appelle un par un les jurés pour juger un cas d’homicide, Michel Racine se surprend à appeler parmi ces jurés un amour passé, qu’il n’avait pas revu depuis six ans, Ditte Lorensen-Coteret. Tandis que jusque-là, dur envers son entourage et les accusés qu’il se doit de juger, il restait caché derrière son hermine – la fourrure rouge que porte le Président de la cour d’assises –, l’homme sensible refait surface et va tenter de renouer avec la femme dont il est follement amoureux et qu’il n’avait jamais pensé revoir un jour. Assis dans nos fauteuils, on ressent la tension entre les deux personnages. On intercepte les regards échangés et peu de dialogues sont nécessaires pour palper le malaise, mais aussi l’attachement particulier que Michel Racine éprouve envers Ditte Lorensen-Coteret.
« Le film charme par le jeu des acteurs »
Si le scénario et les acteurs rendent le film intéressant et prenant, on ne sort pourtant de la salle que partiellement satisfait, avec la sensation de n’avoir vu qu’une portion de film. Malgré la justesse des scènes qui donne le sentiment de voir beaucoup de choses, le scénario général manque de contenu. En dépit de la précision du procès, rendue possible à travers des témoignages, des arrêts sur images de l’accusé, de la partie civile, ainsi que du public, on regrette une couverture partielle du contenu de ce dernier. Il va dans le détail sur certains aspects, mais échoue finalement à montrer l’essentiel, notamment le dernier jour de procès et comment le jury se prononce sur la sentence finale. Il en est de même dans le traitement de la relation entre les deux protagonistes. Le film se termine, et on pourrait croire, ou tout du moins espérer, qu’il ne s’agit que d’un entracte.
L’Hermine présente donc un scénario intéressant et prometteur, et on trouve dommage que l’idée n’ait pas été portée jusqu’au bout, en sortant de la séance avec le sentiment que quelque chose de plus complet aurait pu être réalisé. Le film apparait donc paradoxal sur de nombreux aspects : il apporte beaucoup de précision, notamment sur le jeu des acteurs, avec une caméra toujours très proche des personnages et centrée sur leurs visages et expressions corporelles, mais il reste malheureusement vide dans son contenu et ainsi, dans sa globalité.