Chaque nouveau semestre, l’Université McGill compte son lot de traditions. Il en est une que je tiens aujourd’hui à souligner, même si nous passons tout juste le cap de la mi-session. À l’heure où les examens nous reviennent et où les travaux se rédigent, plus que jamais, il me semble pertinent que nous nous attardions sur le cas du français à l’Université. Cette tradition de début de semestre, c’est celle du survol du plan de cours. C’est ce moment où chaque professeur, invariablement, mentionne la politique linguistique de notre Université, soit la possibilité pour les étudiants de remettre leurs travaux et de rédiger leurs examens en français. Le jargon administratif nomme cela « politique du bilinguisme passif ».
Le French Side de McGill
Tous comprendront que l’institution que nous fréquentons est de langue anglaise, et que quiconque s’y inscrit en est pleinement conscient et donc, on suppose, consentant. L’enseignement sera dispensé en anglais, les cours seront en anglais, les examens et consignes de travaux seront en anglais. Il n’est pas question de remettre cela en question dans cette chronique. Seulement, il me semble nécessaire de rappeler que du chemin reste à faire pour que la politique de bilinguisme dépasse le stade du simple objectif et prenne pleinement et efficacement effet.
D’abord, on doit s’assurer que chaque cours dans lequel les travaux et examens comportent une part de texte compte au moins un assistant d’enseignement maîtrisant le français. Cette maîtrise doit impérativement être plus que minimale : il faut être en mesure de comprendre efficacement des écrits de niveau universitaire. Accepter moins que cela consiste d’une part, pour l’institution internationale qu’est McGill, à ne pas prendre au sérieux sa propre politique linguistique et, d’autre part, à admettre que certains de ses étudiants se verront remettre un diplôme basé sur des évaluations dont la valeur est discutable. N’est-ce pas là un accroc important au prestige académique dont l’Université se targue ?
Tout ou rien
L’ouverture de McGill à la langue française est tout à fait louable, mais il me semble inacceptable de se satisfaire d’un entre-deux imparfait. McGill doit être parfaitement bilingue, ou alors admettre qu’elle ne l’est pas réellement. Il en va de la crédibilité même de l’institution. Il en va aussi de son intégration à son milieu. McGill est une université québécoise et elle doit, à ce titre, avoir comme préoccupation d’être capable de faire une place privilégiée à la langue de la communauté dans laquelle elle évolue et qui la subventionne, la langue du Québec : le français. Il ne s’agit pas de politique partisane mais d’aller au-delà des vœux pieux. Il s’agit de passer d’une politique de bilinguisme passif à l’acceptation d’occuper un rôle majeur dans la préservation de la richesse des écosystèmes culturels mondiaux. Aussi, Mcgill se doit de soutenir activement la nation francophone d’Amérique du Nord dans un effort constant, pour éviter qu’elle ne se dilue culturellement dans l’univers-marchandise ISO 9001 proposé par les dogmes idéologiques actuellement dominants en Occident.
La diversité culturelle dont on se réclame aujourd’hui avec fierté, il faut d’abord y faire attention, et agir pour qu’elle continue d’exister, si on veut continuer de l’embrasser et de s’en enorgueillir. Sans cela, nous ne serons rien de plus que quelques pions sur le grand échiquier de l’homgénéisation des peuples et, ultimement, des individus. C’est dans cette optique surtout que je rappelle en ces pages que la cause de la langue française à McGill doit aller bien au-delà d’une mascarade de tolérance dans laquelle on se vautre et se complaît : elle doit prendre la forme d’un engagement actif de notre institution pour la promotion et la défense de l’héritage français de la nation québécoise.