Découverte d’une philosophie
Nous sommes à un moment de notre vie où l’on se pose plein de questions. Au-delà du cliché du constat, combien de fois avez-vous sombré en questionnement intérieur suite à la question : « Où veux-tu travailler plus tard ? ». J’en ai fait l’expérience plusieurs fois, et mes réponses se perdaient à chaque fois dans le vague de mes lignes directrices. Il me manquait une fondation stable, une philosophie de vie, pour combiner mes désirs de faire « le bien dans le monde », mais « de manière intelligente » !
Et puis récemment, j’ai entendu parler de Peter Singer en cours de philosophie politique. Le professeur, un utilitariste australien, nous présente une série de questions, auxquelles je vous invite à réfléchir maintenant.
Si vous voyez un enfant qui se noie dans un lac, avez-vous l’obligation de lui venir en aide, même si cela voudrait dire que vous vous saliriez et manqueriez votre premier cours de la journée ? Si vous avez dit oui, changeriez-vous votre réponse s’il y avait d’autres personnes autour du lac, mais que personne ne réagissait ? Et si l’enfant n’était pas dans le lac d’à côté, mais dans un autre pays à l’autre bout du monde, mais que vous pouviez néanmoins lui sauver la vie, sans grand coût et absolument sans danger pour vous : devriez-vous le faire ?
Si vous avez répondu oui, c’est que vous êtes d’accord en principe avec l’idée que nous avons une responsabilité morale à venir en aide aux autres. Que nous les connaissions ou non, qu’ils soient devant nos yeux ou dans un pays lointain.
Singer extrapole cette logique à l’échelle mondiale. D’après l’UNICEF, tous les jours 16 000 enfants meurent de maladie évitable, liée à la pauvreté. Pouvons-nous prévenir ces morts ? La réponse est oui, en donnant quelques dollars à une association caritative comme la fondation Contre la Malaria. Alors, conclut-il, avec une telle solution à portée de main, ne pas donner, ou mal donner, serait comme marcher au bord du lac en laissant l’enfant se noyer.
En approfondissant mes recherches, j’ai réalisé que la philosophie de Singer avait donné naissance à tout un mouvement : l’altruisme efficace (effective altruism en anglais), qui avait justement une branche à McGill.
Éthique appliquée à l’université
Le groupe Altruisme Efficace pose une question : utilisons-nous nos ressources de manière optimale ? Les conséquences de nos actions reflètent-elles l’altruisme de nos intentions ?
Depuis quelques années, les associations caritatives sont évaluées par des groupes spécialisés (comme GiveWell), qui se fondent sur des critères précis et quantifiables tels que la transparence et le rapport coût-efficacité afin de déterminer avec précision l’utilité des associations. Par exemple, la fondation Make-A-Wish estime le coût moyen pour réaliser le rêve d’un enfant mourant à environ 7 500 dollars. Parallèlement, la fondation Contre la Malaria sauve une vie pour 2 840 dollars. Ces résultats nous permettent d’orienter les différents groupes des universités, désireux de verser de l’argent, vers des associations dont l’efficacité a été quantitativement prouvée, en les encourageant à examiner d’un œil nouveau les causes qui leur tiennent personnellement à cœur.
Aussi, Effective Altruism invite ses membres à considérer, avec une lucidité nouvelle, leur choix de carrière et d’aller à l’encontre de la doxa. Elle explique qu’en travaillant pour une œuvre de bienfaisance ou une ONG, on n’aide pas forcément plus qu’en réformant de l’intérieur les actions d’un groupe extracteur de pétrole.
À McGill, l’éventail d’initiatives étudiantes est monté sur des brins solides : la conscience sociale. Les étudiants agissent pour leurs convictions et utilisent leur temps et leurs ressources pour lutter contre les injustices, donner une voix à ceux qui en sont privés, faire de notre monde un monde meilleur. L’altruisme efficace encourage chacun à associer son coeur et ses passions philanthropes à sa raison.
L’approche quantitative sera vue par beaucoup comme une approche froide et inhumaine, car les hommes ne sont pas des statistiques. Cependant, en philanthropie, la fin n’est-elle pas plus importante que le moyen ?