Un séisme a frappé Montréal le 29 juin dernier, lorsque Marc Bergevin, le directeur général des Canadiens de Montréal, a annoncé l’échange du spectaculaire et flamboyant P. K. Subban aux Prédateurs de Nashville. L’information a promptement pris des proportions cataclysmiques. Il fallait manifestement une imperméabilité absolue aux médias pour ne pas être au courant de la nouvelle qui venait de bouleverser la capitale mondiale du hockey sur glace. Les amateurs, sur toutes les plateformes, et la ville, étaient divisés.
Pour les quelques particuliers qui ne le connaissent pas, Pernell Karl « P. K. » Subban — ou simplement P. K. — était le visage incontesté du sport professionnel à Montréal. Sur la glace comme à l’extérieur, le populaire numéro 76 des Canadiens de Montréal (CH) faisait toujours jaser de lui. On le connaissait pour ses prouesses vertigineuses, mais son assurance imperturbable le rendait aussi souvent fautif de maladresses. À l’extérieur, il était tout aussi le maître du spectacle. Il comprenait parfaitement les rouages qui façonnent une personnalité publique aujourd’hui. Il était impliqué tant sur les réseaux sociaux que sur la scène culturelle de Montréal : sa notoriété n’a jamais cessé de croître. Nous ne pouvons également pas manquer de mentionner son implication sociale. De nature généreuse, il a fait un don de $10 millions à l’Hôpital pour enfants de Montréal, un geste qui a été sa façon de redistribuer à la communauté, après la signature d’un contrat de 8 ans d’une valeur de 72 millions de dollars avec le CH.
Vous remarquerez que nous parlons de P.K. au passé dans ce texte, comme s’il était mort. Car pour la grande majorité des partisans du Canadien, il l’est désormais ! Les fans du CH pardonneront-ils un jour à Marc Bergevin d’avoir échangé le chouchou de la métropole montréalaise ? Les prochaines années nous le diront, mais il ne faut pas non plus oublier que le nouveau venu n’est pas un simple inconnu dans le monde du hockey !
Subban aura de grands souliers à chausser à Nashville. Notamment vis-à-vis de l’ex-capitaine des Prédateurs de Nashville, Shea Weber, triple finaliste du trophée Norris remis au défenseur de l’année dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Il a totalisé 166 buts, 277 passes et 443 points en 763 parties, ce qui témoigne d’une certaine constance. On comprendra que les partisans des Preds ne sont pas plus heureux de voir leur joueur de concession quitter l’équipe en direction de Montréal.
Cette transaction pourrait d’ailleurs avoir la conséquence d’aliéner plusieurs partisans des Canadiens qui ne juraient que par P. K. Subban, pour ses exploits sur la glace comme en dehors.
Ils nous ont piqué Subban !
Tout d’abord, Weber, 30 ans, est légèrement plus âgé que Subban, 27 ans. Cela n’enlève rien au canon qui s’amène à Montréal vu sa forme resplendissante à l’heure actuelle. Cependant, le long contrat de Weber, à coup de 8 millions par année, fera possiblement mal à la masse salariale des Canadiens lorsque le nouveau venu entamera la deuxième moitié de sa trentaine. De son côté, Subban a certainement les meilleures années de sa carrière devant lui, lui qui impressionne déjà depuis quelques saisons. Lors des dernières séries éliminatoires, alors que les Prédateurs de Nashville faisaient face aux Sharks de San Jose, on a pu voir que Weber avait parfois beaucoup de difficulté à suivre le rythme et qu’il n’était plus un jeune défenseur dans la vingtaine. C’est là le plus gros risque de cette transaction : Weber est un excellent défenseur, mais il semblerait avoir plafonné, et ses performances risquent de ne plus être aussi bonnes dans quelques saisons. La transaction s’inscrit dans une vision victorieuse dans le court-moyen terme pour le CH, dans l’hypothèse où Weber parviendrait à aider les Canadiens à remporter une Coupe Stanley. D’ici là, la direction et les partisans n’auront que faire de ses dernières saisons. Cependant, si le CH devait échouer dans sa tentative de gagner dans les prochaines saisons, et que les performances de Weber venaient à se détériorer, on ne pourrait que proclamer les Prédateurs vainqueurs de cette transaction houleuse.
Dans un tout autre ordre d’idée, et c’est assurément là où la transaction fera le plus de mal au CH, Subban était vendeur — très vendeur même. De fait, le maillot arborant le numéro 76 du talentueux défenseur du Canadien est l’un des maillots s’étant le plus vendus au cours des dernières saisons, non pas uniquement à Montréal, mais au sein du marché nord-américain tout entier ! Au-delà du talent brut de P. K., il n’est certainement pas insensé d’affirmer que sa personnalité flamboyante y est pour quelque chose… Subban a effectivement un sens aiguisé du show-biz. Ainsi peut-on dire que d’un point de vue marketing, la méga-transaction du 29 juin dernier pourrait rapporter davantage aux Prédateurs qu’aux Canadiens. Cette transaction pourrait d’ailleurs avoir la conséquence d’aliéner plusieurs partisans des Canadiens qui ne juraient que par P. K. Subban, pour ses exploits sur la glace comme en dehors. Pour plusieurs partisans du CH, il n’y avait effectivement que deux raisons de les suivre : les arrêts spectaculaires du numéro 31, Carey Price, et les présences époustouflantes du numéro 76.
S’il a souvent soulevé les passions, il a aussi déçu à maintes reprises. Son habitude de tenter de transporter la rondelle d’un bout à l’autre de la patinoire lui a attiré autant d’éloges que de critiques.
Shea Weber : la solution ?
Il faut toutefois regarder l’autre côté de la médaille. En effet, Marc Bergevin a tout de même acquis un véritable joueur de concession en retour de Subban. Même si Shea Weber a 30 ans, soit 4 ans de plus que P.K., les experts s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un joueur plus complet, et surtout qui possède plus d’expérience dans la LNH.
Shea Weber a gagné la médaille d’or aux Olympiques à deux reprises en tant que représentant du Canada (2010 et 2014), et contrairement à Subban, il a eu beaucoup plus de temps de jeu. En effet, si ce dernier en était à ses premiers Jeux olympiques en 2014, il n’a disputé qu’un seul match de tout le tournoi, alors que Weber était dans l’alignement pour toutes les rencontres. Il est de plus beaucoup plus fiable en défense.
À l’opposé, l’ex-numéro 76 des Canadiens, pour chaque jeu spectaculaire qu’il livrait, commettait également un nombre considérable de bourdes défensives. S’il a souvent soulevé les passions, il a aussi déçu à maintes reprises. Son habitude de tenter de transporter la rondelle d’un bout à l’autre de la patinoire lui a attiré autant d’éloges que de critiques. De plus, si P. K. a un lancé-frappé foudroyant, celui de Weber l’est encore plus. De même que pour leur repli respectif.
Weber ayant été le capitaine des Prédateurs de Nashville depuis 2010, il sait faire preuve de leadership, tandis que l’on reprochait à Subban ses célébrations exagérées. Son showmanship démesuré, et son trop-plein d’énergie pouvaient en irriter certains. On parle notamment de tensions avec son capitaine à Montréal, Max Pacioretty.
Et maintenant ?
Néanmoins, l’échange est définitivement une réalité, et le CH se doit de passer à autre chose. Il y a un nouveau général à la ligne bleue, et les rondelles qui iront vers le but passeront désormais sur la palette du bâton de Shea Weber. Nashville nous a piqué Subban, qui ira maintenant débuter sa carrière de chanteur country, faire du rodéo et jouer dans un marché avec beaucoup moins de pression. Pour ce qui est de Montréal, le nom de Shea Weber se francise bien (Chez Weber), il est même idéal pour un nouveau restaurant au Vieux-Port, et qui sait, son lancer-frappé nous mènera peut-être une ou plusieurs parades de la Coupe Stanley dans les prochaines années.