« Essaie d’imaginer un saule pleureur sans larmes
Une forêt sans arbres, un monde sans arbres » — Samian
Le vendredi 16 septembre avait lieu l’annuel Pow Wow à l’Université McGill dans ce qui souligne la sixième Semaine de Sensibilisation aux cultures Autochtones (Indigenous Awareness Week, ndlr) de l’institution, qui s’étend du 21 au 25 septembre 2016.
Comme à chaque année, l’événement rassemble une multitude d’acteurs : parents, enfants, familles, professeurs, chefs autochtones sont présents sur les lieux. L’ambiance est festive, on en oublierait que l’on est en ce jour réunis pour célébrer des cultures qui ont échappé de peu à un oubli perpétuel, et restent sous l’angoissante menace d’une lente dilution que l’on ne pouvait que ralentir. Malgré cela, les femmes chantent, les hommes dansent, les enfants rient aux éclats. Des étudiants distraits sont arrachés à leur routine, entre deux cours, et peuvent difficilement manquer cette présence inhabituelle, mais amicale. Toutefois, cette célébration de la culture autochtone reste une exception que l’on accueille une fois l’an et qui reste étrangère à notre quotidien. Tel un spectre qui ne resurgit qu’épisodiquement pour se rappeler à notre souvenir, nous divertir le temps d’une danse traditionnelle, apparaître dans les colonnes du Délit et repartir en exil jusqu’à l’automne prochain.
Avec la Commission de vérité et réconciliation du Canada, on voulait tout, et tout de suite. On voulait être pardonné pour nos crimes en faisant fi des blessures de ceux qu’on a déracinés, brutalisés puis essayé d’effacer. Ceux qui étaient ici avant nous, et qui sont encore là, mais que l’on voit trop rarement — ou le temps d’une mince célébration. Ceux qui tentent de nous pardonner pour continuer d’avancer. On leur impose la réconciliation sans même leur demander l’état de leurs blessures ou la couleur de leur ciel. On signe des chèques pour apaiser notre état d’esprit et se dire que l’on est pardonné.
Au-delà de la célébration
En s’immergeant le temps d’un instant dans cet univers, on pense à toutes ces femmes sur lesquelles le gouvernement va enquêter au cours des prochaines années grâce à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le dossier sur les agressions sexuelles (voir pages 8 et 9) permet de comprendre comment cette problématique affecte de façon disproportionnée les femmes autochtones. Elles sont plus d’un millier à avoir disparu sans avoir laissé de traces et elles sont quelques dizaines de milliers à avoir été victimes d’agressions. Selon le gouvernement du Québec, plus de 75% des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle.
Cette commission d’enquête permettra d’examiner les facteurs qui contribuent à ces violences. La Politique mcgilloise contre les violences sexuelles permettra — nous l’espérons — d’éduquer, prévenir et protéger les étudiants contre ce type de situation.
Cette nouvelle politique ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les étudiants. Ainsi, l’administration et sa politique devront faire leurs preuves et éviter de tomber rapidement dans la rhétorique vide et l’inaction, comme ce fut le cas pendant plus d’un siècle face aux communautés autochtones. On cherche à nous éduquer sur notre Histoire, mais il faut se demander : quelle est l’utilité de la connaître si nous ignorons ses leçons et répétons les erreurs du passé ?