Xavier Dolan, scénariste, réalisateur, producteur et acteur, vient de réaliser son sixième film à seulement 27 ans. Certains le qualifient de prodige, de génie, « d’ovni » ou encore de marginal. Tous essayent avec difficulté de décrire son talent hors norme grâce à toutes sortes d’adjectifs flatteurs. Juste la fin du monde, Grand Prix du jury au Festival de Cannes 2016, est sorti en salle au Québec et en France le 21 septembre. Le casting comprend cinq grands acteurs français que Xavier Dolan admire depuis très longtemps : Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Marion Cotillard et la célèbre Nathalie Baye, à laquelle il avait déjà confié un rôle dans son film Laurence Anyways en 2012.
Une danse cinématographique
On sent l’énergie de cet « artiste absolu » bouillonner dans chacun de ses films, ainsi qu’un sincère besoin de s’exprimer. Dolan est cinéaste, mais grâce à son talent d’acteur il orchestre ses films comme une chorégraphie : tout est calculé, réfléchi et esthétique. Chaque trait de ses personnages est pensé, chaque détail dans les costumes est apprêté afin que le spectateur et l’acteur soient pleinement projetés dans l’univers de chaque personnage.
Les acteurs clament que de travailler avec Xavier Dolan est une chance. Il parvient à laisser une telle liberté aux comédiens sur le plateau que ces derniers s’abandonnent dans les personnages qu’ils incarnent, grâce à une mise en scène aboutie et sinueuse. Xavier Dolan désire travailler dans le bonheur tout en restant exigeant pour parvenir à son but.
Une langue poétique, cadencée et juste est toujours au rendez-vous. On y retrouve tous les arts : la littérature, la poésie mais aussi la peinture. Des plans photo insolites, à la limite du réel, fusionnent pourtant naturellement avec le reste des images. Le réalisateur s’inspire beaucoup de photographies et de magazines de mode afin de concevoir l’environnement de chacun de ses films. Quant à ses choix musicaux, ils sont surprenants et inattendus, et vont de musiques commerciales et populaires à des chansons ayant marqué son enfance et son adolescence. On y retrouve aussi bien des symphonies de Brahms que des suites de Bach.
Xavier Dolan nous immerge presque physiquement dans son monde cinématographique — un monde véritablement à son image — grâce à une mise en scène au service de l’émotion.
Le théâtre semble également avoir une grande importance aux yeux de l’artiste. Avec Juste la fin du monde, il adapte au cinéma pour la deuxième fois une pièce de théâtre, en l’occurrence la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce. Sa première adaptation théâtrale à l’écran était celle de Tom à la ferme, de Michel Marc Bouchard.
Un cinéaste aguichant
En 2014, il se vit décerner à Cannes le Prix du Jury pour Mommy, un film puissant qui a permis au jeune réalisateur québécois de se faire connaitre à l’échelle internationale.
Avec son style très marqué, Xavier Dolan partage sa profonde sensibilité grâce à une thématique récurrente dans tous ses films : les relations familiales, et tout particulièrement les relations mère-fils.
Dans J’ai tué ma mère, Dolan dépeint une relation orageuse entre une femme et son fils adolescent, et commence déjà à brosser des portraits de femmes qu’il défend avec beaucoup d’amour. Il écrit assidûment des rôles de mères étonnants et incroyables. Le personnage d’Hubert, interprété par le réalisateur lui-même, est celui d’un garçon frénétique et poétique, plein de désirs ardents.
On reconnaît encore sa griffe émotionnelle dans Les Amours imaginaires, qui aborde selon lui « l’incompétence des hommes et des femmes à gérer le sentiment amoureux » et « qui parle d’amour sans jamais en parler » pour reprendre les mots de Monia Choukri, actrice dans ce film.
Xavier Dolan aborde aussi des sujets qui touchent à l’âme humaine, comme la question de l’identité ou celle de l’amour impossible. Avec Laurence Anyways, le réalisateur dit « casser le tabou de la transsexualité ». Il ajoute que ce film est surtout une histoire sur l’amour confronté aux décisions les plus cruelles, les plus importantes, comme celle de vivre. Dans ce film, Dolan se concentre davantage sur des réflexions qui pourraient affecter chacun d’entre nous, et utilise des sujets qu’il connaît et qui lui tiennent à cœur afin de parler de thèmes plus accessibles, purement humains.
En outre, on a pu percevoir la sensibilité de ce jeune artiste durant ses discours intenses, influents et sensibles à Cannes. Il profite des tribunes pour faire passer des messages qui lui sont chers. En s’adressant aux jeunes de son âge en 2014 durant son discours de remerciement pour Mommy, il a donné espoir à sa génération en déclarant que « tout est possible à qui rêve, ose, travaille, et n’abandonne jamais ». À Cannes en 2016, Xavier Dolan exprima notamment son sentiment à propos de l’incertitude d’être aimé, sujet souvent abordé dans ses films, mais auquel il est aussi souvent confronté en tant qu’acteur. Il termina son discours en citant Anatole France, qui déclarait « préférer la folie des passions à la sagesse de l’indifférence ». Il déclara également dans une entrevue rester fidèle aux choses, aux sentiments, aux émotions qu’il aime et qui le transportent.
Toujours attentif au moindre frémissement des acteurs et des personnages, et soucieux de nous plonger dans les univers qu’il crée, Xavier Dolan nous immerge presque physiquement dans son monde cinématographique — un monde véritablement à son image — grâce à une mise en scène au service de l’émotion.