Une femme Mohawk se lève, et dit qu’elle connait une activité simulant le génocide culturel et social infligé à sa communauté. Au centre de la salle, elle place une liste de ce qui constitue une communauté : sa langue, sa solidarité, ses cérémonies, ses ressources. Autour, elle invite quatre personnes représentant les enfants de la communauté. Derrière chacun d’entre eux sont aussi invitées quatre femmes, leurs mères, et derrière encore, les mères des mères. Enfin, tout autour, les hommes. Alors, la femme Mohawk prend les feuilles, les déchire, renvoie les enfants : ils sont enlevés à la communauté, arrachés de notre cœur. À peine dénoyautés, elle invoque les maux que nous devront encore subir : les mères, les grands-mères, les hommes, sont enlevés, incarcérés. Enfin, elle invite au centre les personnes passées par l’orphelinat, par la prison, ou victimes d’enlèvement. Elles forment une ronde ouverte vers l’extérieur, nous nous serrons dans leur bras et leur murmurons, alors que nos larmes s’entremêlent : « Bienvenue à la maison ».
Des racines profondes…
Ce mardi 27 septembre, le collectif Missing Justice organisait au Centre de lutte contre l’oppression des genres une réunion ouverte sur le sujet des femmes autochtones assassinées et disparues. Deux femmes tenaient la réunion, une autochtone elle-même victime d’enlèvement à deux reprises à 16 et 20 ans et ayant perdu une amie ainsi, et une femme de couleur. Elles se sont alors lancées dans les différentes modalités de la dissimulation, la négation des histoires et le meurtre des populations autochtones (il en existe des centaines aux langues et cultures toutes aussi variées sur l’île de la Tortue, aussi appelée « Amérique du Nord »).
Aux origines, la colonisation bien-sûr, mais surtout, la décision des colons, après avoir coopéré, guerroyé, et enfin s’être déclarés souverains, d’éliminer progressivement le contrôle des populations locales sur le territoire. Pour cela, le cloisonnement des populations dans des réserves et sédentarisation forcée, violence épistémologique occidentale par l’imposition de schémas patriarcaux à des sociétés matriarcales et conversion religieuse. S’ensuit l’enlèvement des enfants dans les écoles résidentielles jusqu’en 1996, où les enfants sont arrachés à leur familles, empêchant ainsi la transmission culturelle, et grandissent dans un univers d’abus physiques et mentaux dont beaucoup ne sortent pas indemnes, si seulement vivants. Ainsi se déroule un véritable génocide culturel.
… d’un problème pressant
Tout cela, c’est du passé, n’est-ce pas ? Les présentateurs secouent la tête, aujourd’hui les populations autochtones sont discriminées à l’embauche, surreprésentées dans les prisons et les orphelinats — victimes d’un racisme et d’une violence systémique, étatique et individuelle. 4% de la population vivant au Canada est autochtone, pourtant, 48% des enfants en orphelinat sont autochtones. Les rapports d’enlèvements de femmes autochtones, phénomène endémique et aux proportions mal évaluées par désintérêt de l’État canadien, ne sont toujours pas pris au sérieux par les corps de police, encore plus si la femme est une travailleuse du sexe.
Il n’en est pas moins de leur place dans le monde des médias. S’ils en ont une, ce n’est jamais que des rôles mineurs, caricaturaux ou irrespectueux de leurs réalités. Soit torses nus, soit animaux, soit barbares, leurs rôles à Hollywood les cantonnent derrière une ligne délimitant un petit espace, un mot, pour mille fois sa complexité, l’Indien.