Le mardi 11 octobre, une conférence était organisée par des groupes écologistes pour parler de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, l’AÉCG (Accord économique et commercial global, ndlr). Ce dernier, dont l’adoption (ou le rejet) est imminente, pose plusieurs problèmes en ce qui concerne les barrières tarifaires entre les pays membres ainsi que les normes de production, et est donc au centre de nombreux débats. Le panel était composé de spécialistes du sujet, académiciens, militants, ou paysans. Oui mais voilà : au centre de la table trônait un siège vide.
Le poids de l’absence
L’invité clef de l’événement était José Bové, paysan militant et eurodéputé. En France, il est bien connu pour avoir mené la lutte contre le gouvernement français dans les années 1970, celui-ci voulait étendre un camp militaire dans la région du Larzac au dépend des paysans qui souhaitaient conserver leurs terres. Après cette entrée dans le militantisme, Bové continua son engagement politique : prises de positions marquées contre les multinationales du secteur alimentaire et les OGM, syndicalisme, candidature à l’élection présidentielle de 2007, puis aux élections européennes de 2009… il est une figure importante du mouvement écologiste français.
Avant que ne commence la conférence, des rumeurs circulaient dans la salle. Il eut semblé que José Bové fût bloqué à la douane de l’aéroport de Montréal. Les organisateurs ont fini par se rendre à l’évidence : il allait falloir commencer sans lui, quitte à ce qu’il se joignît à eux en cours de route. Et pourtant, deux heures durant, la conférence s’est déroulée sans jamais que le siège ne fût rempli.
José Bové n’a donc pas pu participer à la discussion : il fut retenu par les douanes canadiennes qui lui ont confisqué son passeport pendant plusieurs heures, avant de le libérer en fin de soirée avec pour consigne de revenir à l’aéroport le lendemain pour être renvoyé en France. Pour un pays qui parle de signer un accord ouvrant ses frontières (pour les produits agricoles certes, mais tout de même), c’est ironique. Pour un pays qui peut fièrement prétendre être une des démocraties les plus abouties du monde, c’est tragique, « indigne » même selon le Bloc québécois.
Coincidence ?
Le lendemain, lors d’une conférence de presse, José Bové accusait la douane canadienne de profilage politique. Difficile, selon lui, de ne pas faire le lien entre son arrestation et le fait que Manuel Valls (premier ministre français), Philippe Couillard (premier ministre québécois), et Justin Trudeau avaient prévu de tenir, deux jours après, une rencontre à Montréal pour parler de ce même traité.
Officiellement, il a été détenu sur la base de ses condamnations par la justice française. José Bové a en effet eu quelques ennuis avec la justice suite à divers actes de militantisme : destruction d’un McDonalds à coups de pioche en 1999 et fauchage d’un champ de maïs OGM en 2008. Cela n’avait cependant pas posé problème lorsqu’il vint à Montréal pour faire la promotion de son livre sorti en 2013. Cette fois-ci, Mr. Bové n’aurait pas demandé le visa requis, en tant qu’ex-détenu, c.à.d. un permis de séjour temporaire. Notons tout de même que la nécessité de demander un visa pour entrer au Canada en tant que Français est une modification récente de la loi.
José Bové s’est finalement vu octroyer un permis de séjour de sept jours, et va donc pouvoir rester pendant l’entièreté du séjour prévu. Tout est bien qui finit bien, l’eurodéputé aura eu plus de peur que de mal.