Les jeux vidéo sont l’une des industries les plus profitables dans le monde du divertissement. Selon l’Association canadienne du logiciel de divertissement, en 2015, les jeux vidéo ont contribué à hauteur de trois milliards de dollars au PIB du Canada. Le pays compte 472 studios actifs, et l’industrie compte plus de 35 000 employés dans l’économie canadienne. Certains jeux ont des budgets comparables à ceux des grands films hollywoodiens, et sont produits par une multitude de personnes. Les Electronic Arts (EA), Ubisoft, Naughty Dog, et Bethesda offrent régulièrement de gros titres. Cependant, ceci vient avec un prix.
Le prix de la passion
Il y a deux semaines, la conceptrice de jeux Amy Hennig, active dans l’industrie depuis plus de vingt ans, a révélé des détails assez surprenants de son travail sur le podcast Designer Notes du site Idle Thumbs. La vétérane a débuté son parcours chez Nintendo, avant de travailler chez Crystal Dynamics et, finalement, diriger les trois premiers opus de la série Uncharted chez Naughty Dog : un CV particulièrement impressionnant. Malgré cette spectaculaire carrière, le prix personnel fut assez élevé : il semblerait qu’être un ou une employé(e) de l’industrie du jeu signifie travailler dans des conditions parfois indécentes, subir une pression monstre, et devenir obsessionnel.
La course à l’armement
Généralement, le concept de « course à l’armement » fait référence à une accélération du développement d’armes, notamment entre l’Union soviétique et les États-Unis pendant la guerre froide. Selon Hennig, ce concept peut se transposer dans le jeu. Hennig a travaillé chez Naughty Dog, jusqu’en 2014, et a contribué aux quatre titres de la série Uncharted. Pendant près de dix ans, elle travaillait 12 heures par jour et ce sept jours par semaine. Hennig dit que, dans son cas, elle a choisi sa carrière au détriment de sa famille. Au moins, elle n’avait pas d’enfant, qui n’auraient pas vu leur mère pendant qu’elle travaillait. Certains de ses collègues ne passent presque pas de temps avec leurs proches et leurs enfants, manquent de sommeil, en plus de travailler sous une pression démesurée. Tout cela pour livrer un produit qui dépasse les attentes.
Quel futur pour l’industrie ?
Le crunch time, ou le temps en surplus pour finir un projet, est définitivement un problème dans l’industrie vidéoludique. En 2015, une étude de la International Game Developers’ Association révélait que plus de deux tiers des concepteurs de jeu travaillent plus de 70 heures par semaine, et le tiers ne sont pas rémunérés. Comment remédier à ce problème ? Amy n’a pas de réponse simple. Lorsqu’elle a travaillé sur le premier Uncharted, il s’agissait d’une expérience de jeu d’environ dix heures ne comportant qu’un mode « solo ». Malgré tout, le jeu a changé l’industrie de par sa qualité visuelle, narrative et technique. Depuis, les attentes des consommateurs ont grimpé. Ils veulent du multijoueur, des mondes vastes, et des centaines d’heures de jeu. Les développeurs, de leur côté, désirent repousser les limites des consoles, et les cycles de développement (pré-production, production et post-production) sont parfois très courts — deux ans, dans le cas d’Uncharted 3. Amy Hennig propose plutôt de produire des expériences plus courtes, moins chères, mais d’une aussi haute qualité. Elle lance un cri du cœur : ce cercle vicieux doit prendre fin. Elle questionne l’éthique de ces conditions de travail. Et surtout, elle affirme que le produit ne vaut pas le sacrifice. Un changement est nécessaire dans la culture de l’industrie.