Peut-être les avez-vous aperçus, alors que vous rentriez chez vous et que la nuit tombait lentement sur le campus. Un groupe compact d’étudiants rassemblés sur le parvis du bâtiment des arts, tous tenant une bougie à la main et brandissant des pancartes où l’on pouvait lire : « Assez de sœurs volées.»
Cette veillée en mémoire des femmes autochtones assassinées ou portées disparues et organisée par le collectif des Étudiants de McGill pour Amnistie internationale (McGill Students for Amnesty International, ndlr), est la deuxième du genre sur le campus après celle du 29 septembre dernier et qui inaugurait le début de la « consent week ».
La preuve par les chiffres
« Au Canada, que vous viviez dans une réserve ou dans une ville, peu importe votre âge ou votre situation socio-économique, le simple fait que vous soyez une femme ou une fille autochtone vous rend trois fois plus susceptible d’être victime de violences et six fois plus susceptible d’être assassinée que n’importe quelle autre femme au Canada » a rappelé Natasha Comeau, directrice du collectif ; ceci, juste après que l’oratrice invitée, Tiffany Harrington-Ashoona, eut rendu un vibrant hommage à l’artiste canadienne inuit Annie Pootoogook retrouvée morte dans la rivière Rideau le 19 septembre dernier.
Selon un rapport publié par Statistique Canada et repris sur le site internet d’Amnistie internationale Canada « Les hommes et les femmes autochtones encourent, tous deux, un risque accru d’être victimes d’homicides. En 2014, les hommes autochtones couraient sept fois plus le risque d’être assassinés que les hommes non autochtones », c’est ainsi une population dans son entièreté qui est vulnérable.
Une menace disproportionnée
Mais les preuves ne s’arrêtent pas là, selon une enquête de Statistiques Canada reprise dans un rapport d’Amnistie internationale publiée en 2009, « une jeune femme appartenant aux Premières Nations a cinq fois plus de risques qu’une autre Canadienne de mourir des suites de violences ». À titre d’exemple, « en 2007, dans la province de Saskatchewan, un comité conjoint composé de représentants du gouvernement, des peuples autochtones, de la police et d’associations locales a montré que 60 % des femmes portées disparues dans la province étaient des femmes autochtones, alors que ces dernières ne représentent que 6 % de la population » peut-on aussi lire. L’ONG précise toutefois que « ces chiffres sont encore très certainement en dessous de la réalité ».
Natasha Comeau a aussi déploré le « manque d’éducation concernant la culture autochtone » à McGill comme le fait que peu d’étudiants savent que le campus de l’Université se situe sur des terres traditionnelles Kanien’kehá:ka.
McGill, indifférente ?
Le lancement, en grande pompe, du Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtone (Provost’s Task Force on Indigenous Studies and Indigenous Education) le 22 septembre dernier, semble avoir insufflé une bouffée d’espoir pour des changements en profondeur. McGill ayant été récemment critiquée à plusieurs reprises notamment sur le fait qu’elle n’oblige pas les étudiants à suivre au moins un cours sur l’histoire ou la culture autochtone comme c’est le cas dans d’autres établissements comme l’Université de Winnipeg au Manitoba. Cependant, ses recommandations mettront certainement du temps à être appliquées vu que le Groupe de travail ne devrait remettre son rapport qu’en juin 2017.
Alors que la veillée prenait fin et que les étudiants se dispersaient lentement, certaines bougies continuaient de briller dans la nuit. Ultime hommage en mémoire des femmes autochtones canadiennes assassinées ou portées disparues.