Dans le dernier film d’Andrea Arnold, sorti au cinéma le 14 octobre, une adolescente issue d’une famille pauvre rencontre un groupe de jeunes qui sillonnent les routes du Midwest à bord de leur van en vendant des magazines. La jeune fille, nommée Star (Sasha Lane), est immédiatement séduite par l’un des membres du groupe (interprété par Shia LaBeouf). Elle décide alors de les rejoindre dans leur périple et embarque dans ce qui s’avèrera être aussi un voyage émotionnel. Le groupe est organisé sous la forme d’une entreprise informelle, avec à sa tête la rigide Krystal (Riley Keough) qui ne voit pas la romance entre ses deux employés d’un très bon œil. La structure du business model improvisé, avec son jargon de salaires et pourcentages, contraste avec l’allure grunge de la troupe et le vent de liberté qui souffle dans leurs dreadlocks et autres mèches colorées.
Une atmosphère intime
La bande nous évoque notre propre groupe d’amis : ils dansent sur du Rihanna ou du Big Sean, chantent à tue-tête à bord du van et ont leurs propres rituels, comme par exemple la « soirée des losers » hebdomadaire, au cours de laquelle les deux membres ayant le moins vendu doivent se battre. Le spectateur, qui entre dans l’atmosphère du groupe au même rythme que l’héroïne, se prend rapidement au jeu de cette franche camaraderie. Les plans rapprochés et les mouvements de caméra désinvoltes contribuent à la simplicité des scènes. De plus, la majorité du film a été tournée à la lumière naturelle ; on est loin des fards hollywoodiens caractéristiques de nombre de films représentant la jeunesse américaine. Ces techniques cinématographiques créent une intimité qui rapproche les protagonistes du spectateur : on se sent réceptif aux émotions et attentes de ces jeunes qui tentent de s’en sortir.
Un tableau des classes sociales américaines
American Honey est le premier film d’Andrea Arnold à avoir été tourné en dehors de la Grande-Bretagne. Pendant leur parcours, rythmé par les épisodes à bord du van au cours desquels les jeunes plaisantent, boivent et chantent, Star et son groupe sont confrontés à une variété de milieux sociaux. On les suit par exemple dans les banlieues les plus riches, où ils tentent de vendre leurs magazines à des mères de famille chrétiennes ou à des vieux beaux s’ennuyant dans leur villa avec piscine. Mais la bande nous emmène aussi dans les quartiers défavorisés, leur environnement à eux : familles aux frigos vides, aux parents toxicomanes et aux enfants qui finiront peut-être par s’émanciper en prenant la route eux aussi. American Honey n’est donc pas seulement l’histoire de jeunes adultes en quête d’aventure, mais également un portrait de la population américaine, peut-être un peu stéréotypé, mais qui reste toutefois proche de la réalité.
Des jeunes qui s’improvisent acteurs
Bien que Shia LaBeouf et Riley Keough (Magic Mike, Mad Max) n’aient plus à faire leurs preuves, le casting fut pour la majorité des acteurs une première dans le milieu du cinéma. Andrea Arnold les a recrutés via la technique du street casting, qui consiste à repérer dans la rue, devant les supermarchés ou encore sur la plage des profils qui pourraient correspondre aux personnages du film. Ainsi, Sasha Lane, l’actrice principale, a été approchée après avoir été remarquée sur une plage par l’un des directeurs de casting. Cela donne au film une indéniable authenticité : les rôles ne sont pas forcés, les interactions sont naturelles, ce qui contribue à une atmosphère sincère dans laquelle le spectateur se plonge avec facilité.
Malgré une durée peut-être quelques peu injustifiée (le film dure 2 h 44), on ne s’ennuie pas. La sensibilité du jeu d’acteur nous transporte avec les personnages sur la route et l’on a un peu l’impression de faire partie de la bande lorsque le film se termine. American Honey a reçu le Prix du jury au Festival de Cannes 2016, et achève donc de consacrer la réalisatrice, qui avait déjà obtenu cette récompense pour ses films Fish Tank et Red Road.