Les 1 500 travailleurs occasionnels du SEOUM (Syndicat des employés occasionnels de l’Université McGill) sont en grève depuis vendredi dernier. L’entente qui liait les employés membres du syndicat et l’institution a expiré en avril 2015 et depuis, le syndicat et McGill ne sont pas parvenus à un nouvel accord. Excédés par le manque de dialogue et d’ouverture de la part des autorités mcgilloises, les membres du syndicat ont alors déclaré la grève — à 82% — forçant l’Université à demander à ses propres salariés d’assurer le maintien de ses activités.
Les demandes des employés
La revendication d’un salaire horaire de 15 dollars découle d’une recherche de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), qui a conclu que le salaire viable en milieu urbain est de 15,11 dollars pour une personne seule au Québec. Aussi, SEOUM explique qu’en utilisant la méthode officielle de l’Université pour calculer ses salaires, tous ses emplois devraient être payés au-dessus de 15 dollars l’heure pour maintenir un cadre de vie décent.
Depuis plusieurs années, SEOUM milite avec le SCNAUM (Syndicat certifié non-académique de l’Université McGill, MUNACA en anglais, ndlr), contre le phénomène de « casualisation ». Aussi appelé précarisation du travail, elle se manifeste à McGill par le remplacement des employés à temps plein, payés 15 dollars ou plus, par des employés temporaires — souvent des étudiants — pour un salaire largement inférieur, à travail égal. Il s’agit là d’une pratique mcgilloise qui désavantage autant les employés à long-terme, dont le nombre diminue, que les travailleurs temporaires, qui ne sont pas payés leur juste dû.
D’autre part, les militants dénoncent aussi le cruel manque de transparence du processus de recrutement. Selon le SEOUM, les demandes d’emplois ne sont pas toutes affichées et certaines offres peuvent rester affichées alors que les emplois sont déjà pourvus. Cette situation rend plus difficile l’accès à un emploi sur le campus aux nombreux étudiants en situation de précarité. Cette dysfonction prive aussi les étudiants d’une première expérience professionnelle qui pourrait venir complémenter leurs études universitaires. Le manque de communication entre les différents programmes de Work-Study disponibles sur le campus et le département de ressources humaines de McGill ne fait qu’exacerber ce phénomène.
Un dialogue de sourds
Le manque de réceptivité de la part de l’institution à l’égard d’une organisation composée principalement d’étudiants a de quoi surprendre. Les gestionnaires de McGill semblent parfois oublier la précarité financière de certains de leurs étudiants, qui n’ont d’autre choix que de travailler afin de pouvoir continuer leurs études et tout simplement de « survivre ». Pour l’administration, il devient difficile de justifier un salaire aussi bas pour ses étudiants, alors qu’un tel régime n’est pas imposé aux fonctionnaires mcgillois. En décembre 2015, Le Journal de Montréal nous apprenait qu’en dépit des restrictions budgétaires, les gestionnaires de McGill pouvaient obtenir jusqu’à 4% d’augmentation de leur salaire pour l’année 2015–2016. L’inflexibilité de l’institution devient alors très difficile à justifier.
Le faux-dilemme du salaire minimum à 15$
Pas besoin d’un bac en économie pour comprendre qu’engager un étudiant à la recherche d’un emploi payé 10,75 dollars de l’heure permettra de d’économiser quelques dollars à l’institution. À la librairie mcgilloise Le James, un caissier temporaire — et donc probablement un étudiant — ne sera payé que le salaire minimum, alors qu’un employé à plein temps recevra lui au moins 19 dollars l’heure, soit presque le double. Cet exemple, parmi tant d’autres, témoigne de l’injustice à laquelle font face les étudiants de McGilll. Une université de renommée mondiale telle que McGill peut se permettre d’octroyer un salaire décent aux personnes qui contribuent à son succès. La salaire est une forme de valorisation du travail effectué et présentement, il semblerait que ce travail est dévalué par l’administration, qui n’offre pas aux travailleurs temporaires le respect qu’ils méritent.
Pourquoi Le Délit soutient le SEOUM
En tant qu’association étudiante, Le Délit soutient le SEOUM dans sa lutte pour défendre la cause des travailleurs temporaires mcgillois, qui sont en grande partie des étudiants. Il est nécessaire de rétablir un dialogue constructif entre le syndicat et l’administration,. L’engouement timoré suscité par les piquets de grève du syndicat ne doit pas nous tromper : McGill prend avantage de la vulnérabilité de ses étudiants, certains anglophones incapables de trouver un emploi dans une ville francophone, en les payant et en les traitant de manière inconsidérée. Cette exploitation déconcertante n’est pas digne de l’héritage institutionnel de McGill. Le Délit a bon espoir que cette situation sera rectifiée au plus tôt, et qu’après de derniers mois tendus, étudiants et gestionnaires pourront travailler ensemble vers une université plus juste et équitable.