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Des ®enseignements bien réels

Edward Snowden parle surveillance à McGill.

Magdalena Morales | Le Délit

Ancien employé de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden est devenu l’un des lanceurs d’alertes les plus marquants du 21e siècle en révélant des informations classées secret Défense sur de nombreux programmes de surveillance de masse américains et britanniques. Depuis la Russie — où il s’est exilé depuis qu’il est poursuivi par le gouvernement américain — Snowden a donné une vidéoconférence le mercredi 2 novembre au bâtiment Leacock de McGill. Sa vision de la réalité : notre système démocratique s’érode face à la puissance grandissante de la surveillance gouvernementale.

Les mutations de la surveillance

Snowden rappelle que la manière de surveiller a beaucoup évolué depuis l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies. Avant, une personne était espionnée parce qu’elle était suspectée de quelque chose, et cette surveillance impliquait des dépenses importantes en termes de ressources, sous toutes ses formes : humaines (une équipe pour tracer un seul individu), financières, temporelles… De nos jours, à l’inverse, l’informatisation de nos données personnelles non-protégées permettent un espionnage sans frontière ni limite : des informations sur chacun d’entre nous sont enregistrées par des ordinateurs de manière instantanée et constante, et ce pour un moindre coût. La surveillance n’est plus restreinte aux personnes mettant en danger notre sécurité : tous les individus sont espionnés quel que soit leur casier judiciaire. Ce n’est pas le contenu même de nos données qui est sauvegardé, mais les métadonnées. Il s’agit des données de nos données : contenant par exemple la date, la durée ou le lieu où une donnée a été produite. Elles sont aujourd’hui aussi précieuses que le contenu même des données. Pourtant, aucune réelle protection légale de cette partie de notre vie privée n’a été établie. 

Des politiques qui tendent vers l’autoritarisme

Toujours selon Snowden , nos institutions ne méritent plus la confiance que nous plaçons en elles. En effet, nous n’avons pas de moyens de vérifier que ces dernières obéissent à la loi, d’autant plus que nos « représentants » ne ressentent aucune gêne à nous mentir ouvertement. L’affaire Lagacé est une douloureuse confirmation de cette vision pessimiste : comment un tel scandale a pu avoir lieu alors que la loi est censée protéger nos droits civiques ? La conclusion est sans appel : l’équilibre de pouvoir entre les institutions et les citoyens est inégal.

La  fin ne justifierait pas les moyens 

Supposons que l’augmentation de cette supposée sécurité nous protège mieux des dangers auxquels les sociétés font face. Snowden répondrait que la surveillance de masse n’est en réalité pas très efficace : elle n’a jamais eu un impact significatif sur la lutte contre le terrorisme par exemple.  Il ajoute que même si c’était le cas, la question est erronée. Snowden nous rappelle donc la vraie question à se poser : voulons-nous vivre dans un monde où nous serions privés de nos droits fondamentaux ? Cette question fait référence à d’autres dilemmes éthiques avec lesquels les conséquentialistes doivent se confronter, par exemple : devrait-on autoriser la pratique de la torture au nom d’une plus grande efficacité ? En suivant ce raisonnement, le principe de l’État de droit s’effondre. L’augmentation des pouvoirs de la surveillance est liée à une soif de pouvoir des institutions et de ceux qui les tiennent, non à une augmentation de notre sécurité. Si l’Occident est aujourd’hui plus ou moins sans danger explicite, nous n’avons jamais été aussi vulnérable aux pouvoirs de nos institutions, explique Snowden. 

Quelle solution pour l’avenir ?

Snowden rappelle aux jeunes qu’il faut montrer aux politiciens que, contrairement à ce qu’ils disent, nous nous sentons concernés par la surveillance et qu’elle nous préoccupe. Il faut affirmer que « Oui, nous avons quelque chose à cacher » : notre vie privée, qui constitue notre droit d’être nous-mêmes, d’avoir quelque chose à soi, de « posséder » nos idées. 


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