L’opéra à l’affiche à l’Opéra de Montréal ce mois-ci coïncide de manière fortuite avec l’actualité politique. En effet, le discours sur les femmes tenu par Don Giovanni est plus que jamais dans l’air du temps.
David Lefkowich a choisi de transposer le chef d’œuvre opératique de Wolfgang Amadeus Mozart, créé au Théâtre national de Prague en 1787, dans l’Italie des années 40, inscrivant ainsi Don Giovanni dans des enjeux sociaux et politiques différents. Les costumes, à la hauteur de la qualité des spectacles de l’Opéra de Montréal, mélangent des complets traditionnels aux robes fleuries. Quant au décor unique, il consiste en trois façades de pierre grise qui rappellent celles d’un petit château ou d’une riche demeure, et qui servent à la fois à représenter la demeure de Don Giovanni, celle de Donna Anna et les façades des maisons lors des scènes extérieures.
L’éclairage provient tour à tour d’une pièce dissimulée par la façade de droite, d’un lustre descendu du plafond lors de la fête chez Don Giovanni, et des deux portes de la façade de gauche lors de l’arrivée de la statue du Commandeur chez Don Giovanni. Selon un spectateur, les jeux de lumière créés par les éclairages colorés ajoutent à la vivacité de la mise en scène. La variété des éclairages contribue également à reproduire les différentes atmosphères de l’opéra, caractérisé par sa « combinaison de comique et de sérieux, d’ombre et de lumière, de sérénité et de violence », selon les termes de l’Opéra de Montréal. La mise en scène de la scène finale illustre l’intensité dramatique qui contraste avec la légèreté du reste de ce « dramma giocoso » (littéralement, drame espiègle en italien, ndlr).
Des performances mémorables
De manière générale, le jeu et la voix des chanteurs sont remarquables. Le jeu comique de Daniel Okulitch (Leporello) est digne de mention, ainsi que celui de Emily Dorn (Donna Anna), dont la voix, qui passe aisément des aigus aux graves, illustre parfaitement la faiblesse et la force du personnage. Un spectateur a particulièrement apprécié le jeu d’Hélène Guilmette (Zerlina), qui manie avec justesse les registres dramatique et comique. La voix de basse d’Alain Coulombe (Le Commandeur) a toute la profondeur nécessaire pour interpréter l’air célèbre de la statue. Bien que doté d’une riche voix de baryton, Gordon Bintner (Don Giovanni) n’a pas l’exubérance attendue d’un Don Giovanni, et son jeu manque un peu de conviction. Le costume (complet cravate et cheveux blonds gominés) ainsi que la misogynie, la violence, la vantardise, l’impénitence et la lâcheté du personnage nous rappellent un autre Don, plus près de nous. On a lu dans Don Giovanni « des signes avant-coureurs des idées qui allaient porter à la Révolution française à peine deux ans après sa première », selon les termes de l’Opéra de Montréal. En effet, l’opéra fustige la cruauté des riches envers les pauvres. Trois siècles plus tard, la morale de l’histoire : « la mort des perfides est à l’image de leur vie » parle toujours au public contemporain.