Enveloppé dans une couverture de survie, l’œil hagard et le visage couvert de larmes : voici l’image glacée du réfugié syrien qui nous est livrée depuis trop longtemps. Et à raison, puisqu’après cinq ans de guerre, plus de la moitié de la population syrienne a été déplacée, dont 4.7 millions hors du pays et ce dans des conditions désolantes. Malgré les discours victimisants, parfois xénophobes, qui concernent ces anonymes majoritairement bloqués dans des camps de réfugiés en Turquie, en Jordanie ou au Liban, certaines initiatives regroupées par l’organisation TechFugee révisent les solutions que nous pouvons apporter à cette crise humanitaire. Inventer une plateforme qui recrute des réfugiés au travers des ONG, les mette en contact avec des centaines d’étudiants à travers le monde pour leur enseigner l’arabe via des leçons orales sur Skype ; c’est le pari qu’a relevé la startup NaTakallam (« Nous parlons » en arabe, ndlr).
Réhabilitation sociale
NaTakallam nous prouve que l’innovation offre à chacun de nous la possibilité de participer à créer des emplois et à améliorer la situation de ces individus déplacés, sans leur apporter secours, mais en les réhabilitant socialement et économiquement. Grâce aux sessions de langue proposées en ligne, certains réfugiés gagnent jusqu’à 1200 dollars par mois : bien plus que le salaire minium de la plupart de leurs pays d’accueil.
Ces Syriens sont donc récompensés financièrement pour leurs services, mais également d’un point de vue personnel, puisque c’est leur langue et leur culture bafouées qu’ils sont capables de retransmettre à tous les curieux. Surtout, c’est une autre façon d’approcher la question des millions de réfugiés syriens. En les considérant comme une source enrichissante d’apprentissage, et non plus comme un fardeau, cette initiative propose une forme d’empowerement
La langue : de barrières à ponts
De l’autre côté de l’écran, les gains sont tout aussi valorisants pour les personnes qui souhaitent apprendre l’arabe dialectal partout dans le monde. Celui-ci diffère de l’arabe classique, plus difficile et rarement utilisé, mais qui est généralement enseigné. Aujourd’hui dissuadés de se rendre dans les pays arabes, la pratique manque à aux étudiants, professionnels et spécialistes qui s’intéressent au Moyen Orient. Surtout, et plus que jamais, avec l’islamophobie grandissante et la présemce d’un grand nombre d’arabophones dans nos sociétés occidentales, la nécessité de construire des ponts là où s’élèvent des barrières n’a jamais été aussi cruciale. La langue demeure, tel que le prouve une initiative comme NaTakallam, une façon très efficace de le faire.
Un futur à McGill ?
NaTakallam entame déjà des collaborations avec plusieurs universités américaines (dont Swarthmore et George Washington University) afin que leurs départements de langues et de cultures arabes complémentent leurs classes traditionnelles avec ce type d’apprentissage différent et enrichissant. On ne peut qu’encourager de telles initiatives. Qui sait ? Un partenariat avec McGill est peut-être à l’horizon.