C’était à la une de tous les médias du monde : à peine rentré à la Maison Blanche, Donald Trump a signé une rafale de décrets (executive orders, ndlr). Ceux-ci donnent au président Américain le pouvoir de faire prendre des décisions ayant force de loi sans passer par la case « Congrès ». Parmi les décrets en question, tous plus ou moins polémiques, il y a l’approbation de la Keystone XL pipeline. Retour sur une vielle histoire.
De quoi parle-t-on ?
Il faut savoir que le Keystone pipeline existe et fonctionne déjà. Construite à partir de 2008, elle s’étend sur 3456km, de l’Alberta à l’Illinois. Au fil des années, plusieurs extensions ont été ajoutées. Aujourd’hui, l’or noir de l’Alberta peut être acheminé jusqu’au Texas sans sortir du « réseau » Keystone.
Quelle est donc la polémique ? Il s’agit d’une extension additionnelle, proposée en 2008 et appelée Keystone XL qui vise à augmenter le flux de pétrole au delà des taux possibles aujourd’hui. La ligne additionnelle commencerait en Alberta, pour s’acheminer jusque dans le Nebraska en passant par le Dakota du sud.
Si le gouvernement canadien a toujours été en faveur du projet, sous Harper comme sous Trudeau, ce n’est pas le cas pour le gouvernement américain. En effet, Obama s’était prononcé contre en 2015, ce qui lui avait valu les applaudissements des écologistes.
Le revirement
Trump est donc en plein processus de défaire, petit à petit, l’héritage de son prédécesseur démocrate. Sans surprise, l’accord pétrolier était en ligne de mire.
Devant de nombreuses caméras le nouveau président a signé son décret, en soulignant que celui-ci ne faisait « que » rouvrir les discussions. En effet, pour faire avancer le projet, il a dit qu’il devait s’assurer que les pièces détachées soient faites aux États-Unis, une autre de ses promesses de campagne. Pour aller de l’avant, il faudra que les tuyaux qui transportent le pétrole ainsi que les pompes et autres machines utilisées pour faire voyager l’or noir soient « made in America ».
Justin Trudeau, le premier ministre canadien, a félicité la décision de son nouvel homologue. Pour lui, c’est une évolution positive pour l’économie canadienne, et en particulier celle de l’Alberta, province qui connaît une grave crise. Cependant, il ne croit pas à l’idée que l’économie et l’écologie sont des sphères irréconciliables : faisant preuve d’un pragmatisme féroce, il assure qu’on peut continuer à exploiter les sables bitumineux tout en gardant la transition vers les énergies renouvelables comme objectif.
Cette position n’est pas nouvelle, c’est celle qu’il avait déjà présenté lorsqu’il avait approuvé deux des trois pipelines proposés, en novembre 2016. Mais à l’époque, comme aujourd’hui, une partie de l’électorat canadien n’est pas convaincu.
C’est notamment le cas des militants écologistes, dont ceux de Divest McGill. Ces derniers ont, sans surprise, témoigné de leur mécontentement vis-à-vis la position de Trudeau. « Il y a une contradiction chez le gouvernement » entre les positions écologiques et l’économisme pur et dur » affrime Jed Lenetsky, militant de l’association. Pour lui, le choix est clair. Le gouvernement Trudeau doit s’investir à 100% dans la cause écologique, sinon les problèmes liés au réchauffement climatique ne seront par résoulus à temps. L’entre-deux qui caractérise la politique des libéraux ne sert qu’à appaiser les revandications des futurs électeurs.
Aujourd’hui, Lenetsky est certain de ne pas voter pour Trudeau aux prochaines échéances électorales. « J’étais prudemment optimiste en 2015 » explique-t-il, « maintenant, je ne me fais plus d’illusions ».
Cette énième position en faveur des pipelines vient donc encore miner les soutiens à Trudeau au sein de la population, à un moment où la popularité du gouvernement se fragilise de jour en jour.