Standing ovation pour le « Manifeste de la Jeune- Fille », pièce éminemment contemporaine jouée à l’Espace Go jusqu’au 18 février.
Olivier Choinière, auteur et metteur en scène, réussit brillamment à dépeindre avec un regard critique la société dans laquelle nous évoluons. Les huit comédiens sont remarquables, fougueux, drôles, et impressionnants d’énergie. Rien n’est laissé au hasard dans cette pièce très chorégraphiée, que ce soit la mise en scène, le décor, les lumières, les costumes ou le son. C’est dans une ambiance hyperréaliste à la lumière aliénante que l’on part à la rencontre de ces personnages caricaturaux mais aux airs familiers. La musique rythme les deux heures de voyage et de réflexion. Par moment elle rappelle le rythme sourd techno, par moment elle semble plutôt orientale, mais est toujours là pour souligner le message véhiculé. Les personnages changent de peaux et de costumes régulièrement ce qui permet d’offrir d’innombrables points de vue différents sur les thèmes sociétaux abordés.
La mise en scène, précise et réfléchie, met en valeur le méticuleux travail d’Olivier Choinière et sert le message de fond même si l’abondance des thèmes abordés peut parfois perdre le public.
Spectateurs de nos propres déboires
Cette pièce est un must-see car en l’espace de deux heures, elle balaye un vaste spectre d’inquiétudes, de positions, d’idéaux que nous avons tous déjà sûrement envisagés. En fait, une fois assis dans son siège, il devient impossible pour le spectateur de ne pas se sentir concerné, de ne pas rire, de ne pas s’arrêter un moment pour réfléchir sur les répliques frappantes des comédiens. Ces derniers nous jouent et se jouent de nous. Les capitalistes avides, les écolos intransigeants, les consommateurs frénétiques, les vieux déprimants, les jeunes désabusés, les révolutionnaires naïfs, les terroristes illuminés… Bref, tout le monde y passe.
De ce manège de vie, folle- ment satirique, ressortent néanmoins des messages importants et rassurants. L’amour de soi, l’acceptation de la vieillesse, l’ouverture à l’autre, le progrès individuel, faire la part des choses, et surtout l’importance de la culture, du théâtre : des nécessités que l’on oublie trop vite. Qualifier cette pièce d’un coup de gueule reviendrait à réduire au néant la dimension philosophique très présente de la pièce. Plus encore, cette pièce multiplie les rires, les clins d’œil au public, d’énergie en surprenant le spectateur du début à la fin.
Certes, deux heures sans entracte peuvent paraître longues pour le spectateur. Pourtant, malgré cette longueur, on ressort enthousiasmé de cette pièce. Lorsque les lumières se rallument et que le public réalise que c’est la fin, le charme met du temps à se dissiper. Le spectateur est alors confronté à cette impression géniale de ne plus savoir quoi faire ni quoi dire, abasourdi avec un sourire de contentement aux lèvres. Or, n’est-ce pas là le signe d’une pièce réussie ?
Cette ode au théâtre abolit les frontières de la réflexion et pousse à l’extrême des concepts d’actualité. Mais surtout, elle fait naître une connexion folle et intense au sein du public et avec les acteurs, mettant du baume sur le cœur des désenchantés, des mélancoliques et des lassés.
Je n’insisterai donc sûrement jamais assez : cette pièce est foisonnante, délirante, qu’il faut absolu- ment voir, vivre et que vous n’oublieriez pas car elle est intemporelle.