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Juste une autre brique

L’Opéra de Montréal s’attaque à un monument de la culture rock.

Yves Renau

Du 11 au 17 mars, l’Opéra de Montréal a présenté sa création originale Another Brick in The Wall, inspirée de l’album The Wall du célèbre groupe britannique Pink Floyd. Ce projet très ambitieux a été en partie réalisé dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, ce qui explique le budget important qui y a été consacré. Toutes les dates sont presque complètes et les spectateurs sont jeunes comme plus âgés : cela témoigne du succès qu’a eu cette œuvre et l’impatience avec laquelle elle a été attendue. 

Il y a t‑il quelqu’un là-bas ?

Cet opéra se compose de deux actes. L’histoire raconte celle d’un musicien au sommet de sa carrière qui, lors d’un concert, craque. Il est emmené à l’hôpital et c’est le début d’une introspection. Le chanteur, Pink, est plongé dans sa propre histoire. Il repasse à travers son enfance où il revoit son père partant à la guerre, sa mort au front, résultant en une enfance sombre avec une mère surprotectrice et oppressante. À l’école, il est tyrannisé par un professeur réducteur, empêchant tous les enfants de développer leur imagination, renforçant d’autant plus ce mur qu’il est petit à petit en train de se créer autour de lui. Il s’exclue du monde extérieur. On revoit  ensuite sa rencontre avec son ex-femme avec qui les rapports se dégradent au fur et à mesure que sa carrière dans la musique décolle. Il se renferme sur lui-même et compense son échec amoureux avec des groupies ou de la drogue. Petit à petit, Pink construit son mur, formé de ses déceptions, dans lequel il va s’isoler.

Le procès

Pink, l’allégorie de Roger Waters (chanteur du groupe Pink Floyd), est maintenant seul derrière son mur. Il fantasme, devient un dictateur dans son imagination, voulant détruire toute personne du monde extérieur qui cherche à lui nuire. Finalement, il va subir un procès par les personnages imaginaires de sa folie qui vont le condamner à briser son mur, et se réconcilier avec le monde.

L’opéra est en effet très inspiré de l’album mais aussi du film, The Wall. On retrouve le même déroulement, avec souvent même des scènes très inspirées comme celle qui accompagne la chanson Another Brick in the Wall  où l’on voit les élèves se rebeller contre ce professeur despotique. Les décors étaient basés autour d’un grand mur, où des images et vidéos illustrant les scènes étaient projetées. Parfois très utiles et esthétiques, elles manquaient aussi parfois de finesse et en devenaient presque kitsch, avec des couleurs trop flashs donnant un esthétique manga. Ce mur était cependant mis à bon usage à d’autres moments, notamment avec des jeux de lumières et d’ombres.

Un résultat mitigé 

Malgré le potentiel que dépeint l’œuvre de Roger Waters, aussi bien l’album que le film du même nom, la force initiale des morceaux aurait pu être mieux exploitée. Certaines chansons comme la très mythique Another Brick in the Wall n’était pas assez puissante sur scène. La beauté de Goodbye Blue Sky n’est pas du tout ressortie, une véritable déception lorsque l’on est un·e grand·e amateur·trice des Pink Floyd. À part les paroles, la musique n’avait presque rien en commun avec les originales, et ce n’est peut-être pas pour le mieux. La seule chanson qui a été bien exploitée a été Bring the Boys Back Home où cette nouvelle facette de l’opéra a pu ajouter une puissance, différente de la chanson originale, mais très plaisante. 

Malgré le fait que le metteur en scène, Dominic Champagne, ait reconnu qu’il n’avait pas l’intention de reproduire l’album ou le film, cet opéra n’a rien ajouté de spécial à l’œuvre de Waters. Celui-ci avait déjà mis en scène le spectacle LOVE du Cirque du Soleil et avait fait ressortir la poésie présente dans l’œuvre des Beatles. Ici, malheureusement le résultat n’est pas aussi réussi. Cependant, on applaudit la mise en scène du moment où Pink reçoit son procès, celui-ci étant une scène imaginaire et psychédélique en dessin animé dans le film, ce qui a rendu la tâche délicate. 


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