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Qui parle français à McGill ?

La place de la francophonie dans une université anglophone.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Le français se fait discret à McGill, mais y est bien présent ; entendez ici par « français » la langue française. Bien plus présent qu’avant, même, comme en témoignait il y a deux ans Suzanne Fortier dans une entrevue au Délit : « Quand j’étais étudiante à McGill, il n’y avait personne, à peu près, qui parlait français, ni dans le corps professoral, ni chez les employés… On savait à peine dire bonjour ! ». Lorsque Suzanne Fortier étudie à McGill, au début des années 1970, la francisation de l’université, bastion anglophone, est un sujet d’actualité politique et polémique. Le 28 mars 1969, sur fond de grèves étudiantes et de bouillonnement social, 10 000 manifestants marchent sur McGill, réclamant son ouverture aux travailleurs et aux francophones. Le mouvement « McGill français » éclate au plein jour, fruit de trois mois d’organisation de la part d’une coalition regroupant syndicats, groupes nationalistes, activistes de gauche et étudiants. Le McGill Daily, notamment, fait alors partie de cette frange mcgilloise classée à gauche et soutenant le McGill français. 

Principale Fortier décrit aujourd’hui McGill comme une « université bilingue », bien que cela ne soit pas le cas d’une grande partie des étudiant·e·s et professeur·e·s. En 1969, seuls trois étudiant·e·s mcgillois·e·s sur dix sont francophones. Aujourd’hui, un cinquième des étudiant·e·s et employé·e·s considèrent le français comme leur langue maternelle. La moitié des étudiant·e·s sont québécois·e·s alors que les français·e·s y constituent la troisième nationalité étrangère la plus présente. Toutefois, McGill reste la moins francophone des universités québécoises, et de nombreux étudiant·e·s y effectuent toujours leur scolarité sans y apprendre le français.

Un écosystème associatif

Cela n’empêche pas de nombreux groupes et institutions de faire vivre la francophonie sur le campus, à commencer par Le Délit. Né en 1977, la même année que la loi 101, Le Délit est alors une édition hebdomadaire francophone du McGill Daily, qui méritait encore son nom avec un rythme de publication quotidien. Il s’en émancipera pour devenir le journal indépendant et sortant chaque mardi que voici. 

Si Le Délit bénéficie de plus de visibilité, ce n’est pas la seule publication étudiante francophone de McGill. Lieu commun en partage les honneurs : fondée en 2012, cette revue semestrielle d’écriture créative francophone a déjà accueilli la plume de Kiev Renaud, écrivaine mcgilloise primé, et ouvre ses pages à toutes et tous. La revue est liée au département de langue et littérature française de l’Université McGill. Au département se raccroche également son association étudiante, l’ADELFIES, qui organise rencontres, conférences et autres activités en tous genres.

Côté théâtre, la jeune troupe de Franc-Jeu présente depuis début 2014 des pièces en français, créations originales ou reprises, et avec succès. Franc-Jeu s’est, l’hiver dernier, produit à l’historique théâtre montréalais du Monument-National et prévoit cette année de présenter un spectacle par semestre, au moins, alors que sorties et ateliers théâtre seront toujours organisés par la troupe. Le French Students’ Club (FSC) est une autre association se souciant de la défense de la francophonie à McGill, ainsi que de la culture française. Le FSC donne toutes sortes d’évènements, cours de cuisine, tournois de foot, ou projections de films. 

Les institutions à la traîne

McGill est officiellement une université bilingue et il est permis d’y réaliser ses travaux, essais ou examens en français. Les communiqués de l’administration sont, sauf exception, envoyés en anglais et français, au même titre que les listservs, ces grands courriels informationnels, de toutes les associations étudiantes. Derrière ces formalités, l’Université peine à porter la cause de la langue française, malgré l’initiative du « French side de McGill ». Lancé en 2015, ce projet vise à attirer plus d’étudiants francophones à McGill en les convaincant de la possibilité d’y « vivre en français. » De l’ambition, « si la diversité culturelle et linguistique est une richesse, McGill est un joyau de la Couronne et le français est le plus beau diamant dont il est serti » peut-on lire sur le site du French side, mais des efforts qui semble tarder à porter leurs fruits. 

Un renouveau étudiant ?

Chez les associations étudiantes, l’Association des étudiant·e·s de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr) en premier lieu, la promotion du français a été toute aussi discrète ces dernières années. Ceci malgré l’existence des Commissions des affaires francophones, largement inactives à l’exception de celle de l’Association des étudiant·e·s de la Faculté des arts (AÉFA) qui organise des cercles de conversations en français et autres évènements. 

Cette année, l’équipe exécutive de l’AÉUM veut « renouveler les affaires francophones » et en fait un véritable enjeu. En effet, Muna Tojiboeva a fait d’une de ses promesses de campagne le dépoussiérage de la francophonie et des affaires autochtones, deux structures qui, d’après elle, ont été négligées par le passé. Connor Spencer, vice-présidente (v.-p) aux Affaires externes, nous précise notamment que la transition entre les Cégeps et l’arrivée à l’Université est particulièrement difficile. Elle affirme vouloir faire de la Commission des affaires francophones « l’âme » de la francophonie sur le campus. Elle espère que le comité agira comme une plate-forme pour les demandes concrètes, un lieu où les questions liées à la francophonie serait le sujet de débat principal. Ainsi, l’AÉUM serait plus accessible et pourrait répondre aux préoccupations de manière plus efficace. Il semble donc que le gouvernement étudiant veuille miser sur la francophonie


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