Dans l’univers magique de Mozart, revisité par David McVicar, la musique donne vie aux reines, princes et princesses mais aussi aux serpents et autres animaux dansants. Cette nouvelle production de La Flûte Enchantée est présentée à ce moment même à la Royal Opéra House, à Londres. Les cinémas Beaubien et du Parc offrent le voyage au-delà de l’océan à leurs spectateurs en diffusant dans leur salle cet opéra envoûtant.
Une expérience qui sort le spectateur de ses habitudes
Un opéra au cinéma peut paraître surprenant au premier coup d’œil. Finies les grandes salles à l’architecture élaborée qui font voyager dans le temps, finis les spectateurs en robes de soirée et costumes, et bonjour au popcorn, au soda et au voisin de fauteuil en survêtement. Malgré ce changement d’ambiance peu commun, la magie reste intacte et s’intensifie même par moment.
L’opéra filmé offre à ses spectateurs le rare privilège de voir les visages des chanteurs, musiciens et chef d’orchestre de près. Alors que pendant une réelle représentation, l’audience a tendance à se concentrer sur les voix, dans la salle du cinéma, elle peut observer les expressions des différents acteurs et ne ressentir que plus profondément les émotions déjà transmises par la musique. Cela accentue le côté théâtral qui peut manquer à l’opéra et qui captive plus facilement.
La musique donne un côté magique tandis que le jeu d’acteur donne le côté humain auquel le spectateur peut s’identifier. Il en est de même pour l’orchestre et plus encore le chef d’orchestre, que l’on voit d’ordinaire rarement, et qui ici occupe toute la première partie de la diffusion pendant laquelle le public peut apprécier les mouvements précis de Julia Jones, guidant son orchestre à la perfection.
Une innovation artistique envoûtante
Le cinéma accentue donc la magie créée par Mozart en 1791, mais celle-ci est avant tout mise en avant par le travail artistique de cette nouvelle production, à travers des décors, des jeux de lumière et des voix plus fascinantes les unes que les autres.
Les décors peints, aux couleurs profondes, passent d’un sombre ciel étoilé à un brûlant mur orangé et participent ainsi au contraste entre la reine de la nuit et l’enchanteur Sarastro, emmenant le spectateur à travers leurs deux mondes.
Ce contraste est aussi fortement mis en valeur par les jeux de lumière ; lorsque Tamano chante, il est immédiatement baigné d’une douce lueur, censée représenter la pureté de son cœur. Cette lumière se fait beaucoup plus froide lorsque la reine de la nuit ou ses trois dames élèvent leur voix à leur tour.
Enfin, le plus ensorcelant reste la voix des chanteurs, qui semble presque inhumaine. Le public peut ressentir toute la haine et l’envie de vengeance de la reine de la nuit quand elle monte vers les notes les plus hautes mais aussi toute la sagesse de Sarastro lorsque que sa voix atteint des notes graves difficilement accessibles.
Le directeur a gardé l’ambiance du siècle des Lumières avec le cercle des sages intellectuels, par lesquels Mozart avait été fortement influencé et le côté comique, avec le personnage de Papageno et ses mésaventures. Il a cependant revisité l’opéra avec des personnages comme Papagena qui sort tout droit du New York des années 80 et ne se comporte pas du tout comme une dame de l’époque du compositeur.
Cette expérience hors des grandes salles de Londres reste donc captivante et retransmet bien la puissance de l’opéra. La Flûte Enchantée en elle-même est bien-sûr fantastique et le charme créé par Mozart des siècles plus tôt opère encore sur les audiences à travers le monde. Cependant, le directeur a aussi su sublimer cette magie de multiples manières. Son travail sur les divers décors, les jeux de lumières et d’acteurs et le casting soigneusement effectué, permet au spectateur d’être transporté dans un univers où il peut se perdre pendant quelques heures. On en ressort ainsi chamboulé, avec des étoiles plein les yeux et des harmonies plein les oreilles.