Le Tribune publiait le 19 septembre dernier un édito sur la relation souvent tumultueuse et empreinte de cynisme et de mépris entre les représentants de L’AÉUM et le corps étudiant. Ils appelaient à la clémence, de la part des élèves, des médias et autres groupes, rappelant que les exécutifs n’étaient, eux aussi, que de simples étudiants, qui ne méritaient pas que nous les crucifions pour les erreurs qu’avaient commis leurs prédécesseurs.
Et bien nous voilà rendus, à peine plus d’un mois et trois scandales de l’AÉUM plus tard, à revenir sur ces sages mots. Un vote sur la motion BDS qui déclencha une crise de constitutionnalité du Conseil des Directeurs, la vice présidente aux Finances Arisha Khan suspendue, la présidente Muna Tojiboeva apparemment sous les feux de ses collègues (voir p. 4), et l’AÉUM, tant bien que mal, finit encore une fois éventrée. Les conflits entre les exécutifs et les directeurs ne sont plus tenables et jaillissent des entrailles de cette institution, la presse étudiante semblant avoir asséné quelques coups de couteau.
Une rhétorique dangereuse
La presse est dénoncée par Muna dans une lettre ouverte publiée dans le Bull&Bear. Elle serait soit-disant victime d’une machination de la part des activistes, de la presse étudiante et de l’effrayant, invisible et omniprésent« establishement » (le système ndlr) – grondement de tonnerre – en ce mois d’halloween, voilà en effet un conte bien terrifiant. Dans sa lettre, la Présidente se place en victime : « Je ne pense pas comme eux et je ne reçois pas d’ordres de la presse étudiante ou des groupes militantistes.[…] La vraie raison pour laquelle l’Establishment de l’AÉUM ne m’apprécie pas c’est parce qu’il a peur qu’ils n’aient désormais plus de laquais fiable pour obéir à leurs ordres ». Ses mots font échos à la rhétorique dangereuse de certains politiciens, qui se disent être des« outsiders » élus par le peuple pour “nettoyer le terrain ». De plus, il semblerait à la mode de s’en prendre à la presse pour la décrédibiliser, un outil pratique surtout quand on veut passer ceux qui nous critiquent sous silence. La présidente plaint la campagne de dénigrement menée contre elle, sans pour autant hésiter à cibler tout particulièrement un des journaux étudiants à travers des accusations qui restent vagues.
Retour aux sources
« Une presse libre et indépendante est un élément indispensable d’un campus démocratique ». Cette phrase, extraite de notre mandat, semble prendre tout son sens dans une situation comme celle-ci. La Présidente fait mention des affaires Sadikov et Aird ; la presse étudiante avait non-seulement et bien évidemment couvert ces affaires, mais avait aussi travaillé avec les différents groupes étudiants pour partager les témoignages de survivantes. La presse n’est pas censée contrôler l’AÉUM, de la même manière que l’AÉUM ne contrôle pas la presse. Les exécutifs de l’AÉUM sont des étudiants, les journalistes de notre presse aussi. Nous pouvons évidemment commettre des erreurs mais nous nous devons d’adhérer, au meilleur de nos capacités, a une distribution de l’information de manière véridique et honnête. C’est pour cela que, quand la présidente se présente sur une plateforme dont l’un des points clefs est la transparence, elle sera évaluée en priorité sur ce point. C’est à de la transparence que l’on s’attend, pas à la suspension surprise d’un membre de l’équipe exécutive, ni à des réponses vagues aux questions de médias (et oui, nous tenons à le préciser, plus on essaye d’éviter de répondre à nos questions, plus il nous faudra envoyer de courriels pour essayer d’en obtenir, donc excuser notre « harcèlement médiatique »).
Instituions déconnectées
De plus la Présidente dit dans ce même article « Ils [les étudiants] voit l’AÉUM comme un club fermé. […] Je me suis présentée en tant que Présidente pour changer cela, et j’ai gagné car j’ai mené une campagne qui a plu à la moyenne estudiantine, et non aux étudiants marginaux qui s’impliquent à l’AÉUM d’habitude. » Pourquoi parler d’un ton si hautain de ces « étudiants marginaux qui s’impliquent à l’AÉUM »? Voilà qui semble contre-productif alors que nos institutions ont maintes fois été accusées d’être déconnectées d’une population qui a du mal à s’intéresser à la politique étudiante. Qui plus est, la Présidente se dit représenter l’étudiant moyen. S’il est vrai qu’elle a été élue par 53% des votes, il ne faut pas oublier que le taux de participation à ces élections n’était de que 22%. Ce n’est donc pas 53% des étudiants qui ont voté pour elle, mais bien 53% de ces« étudiants marginaux ». La Présidente pouvait beau avoir d’excellentes intentions en commençant son mandat, comme en témoignent ses nombreux soutiens qui prirent parole pour louer son leadership et la défendent sur les réseaux sociaux et pendant le conseil législatif, le fait est de constater que la situation au sein de la direction de l’AÉUM sera difficile à réparer. C’est à se demander quel sera l’acte final de ce drame.
J’accuse !
C’est pourquoi Le Délit dénonce le manque de transparence du Conseil des Directeurs par rapport à la constitutionnalité de sa composition.
Le Délit dénonce aussi la manière dont l’affaire Khan a été menée par le Conseil des Directeurs et l’AÉUM. Un manque de communication avec les étudiants et la v.-p. concernée, le rapport d’enquête du directeur général non publié et un manque d’explications claires sur pourquoi la sévérité de la punition fut ainsi fixée. On espère que les minutes de ce conseil, une fois qu’elles seront publiées, apporteront un peu de clarté à cette affaire.
Mais surtout, Le Délit prend au sérieux les accusations de la Présidente concernant le comportement de ses collègues, et nous rappelons que Le Délit dénonce toutes formes d’intimidations et de harcèlements, surtout afin de décrédibiliser et de passer autrui sous silence.
L’équipe de rédaction du Délit tient à présenter ses excuses à Marie-Michèle Sioui pour les imprécisions et erreurs commises dans la retranscription de son entrevue, dans l’édition papier du 17 octobre 2017.