Ce thriller inquiétant et sulfureux mettant en vedette Jérémie Rénier et Marine Vacth insuffle rapidement une sensation suffocante de malaise. En adaptant très librement une nouvelle de Joyce Carol Oates (écrite sous son pseudonyme Rosamond Smith), le réalisateur François Ozon propose un film de genre qui glisse du thriller à l’horreur avec grotesque et grandiloquence. Un film clinique, chirurgical et grossier. Le scénario relate l’histoire de Chloé qui tombe amoureuse de son psychothérapeute, Paul, qu’elle consulte pour un mystérieux mal de ventre chronique, décrit par des spécialistes comme psychosomatique. Lorsque les amants décident de s’installer ensemble, Chloé découvre que Paul a un jumeau caché, dénommé Louis.
Une approche clinique
Dès la deuxième séquence de L’amant double, un sexe de femme, béant et contraint par des instruments gynécologiques, se transforme en un énorme globe oculaire. Le décor est planté : le réalisateur désire savoir ce qui se passe dans le corps et la tête d’une femme. Ainsi, l’approche de François Ozon est frontale, froide voire clinique. Il ancre une hypothèse de division qu’il démultiplie : l’enchaînement des plans conduit à leur superposition, les divise ou les confronte, tandis que la présence de miroirs assoit parallèlement une dynamique de reflets et de dédoublements. L’amant double navigue entre rêve et réalité, cauchemar inconscient et éveillé, sexualité débridée et refoulée. Un récit freudien, faisant la part belle à la psychanalyse, au centre duquel se déploie la figure du double à travers le thème ordinaire de la gémellité.
Un manque de finesse
Malheureusement, contraint par la pesanteur de sa forme, la lourdeur de la composition de ses cadres et ses références ostentatoires, Ozon ne génère pas la moindre ambiguïté ni subtilité. Tout est dit, sur-explicité et manque follement de finesse. Si François Ozon a eu envie de « pousser les curseurs un peu plus loin, après Frantz », soulignant la dimension « ludique » du film, à l’évidence il échoue et pousse le ludique au ridicule. Jeux sur le double, les fantasmes sexuels, la gémellité… Le film ne recule devant rien mais avec lourdeur. Les performances du duo en tête d’affiche sont irréprochables, Marine Vatch joue à merveille la jeune femme inquiète et perturbée, tandis que Jérémie Rénier étonne dans un double rôle miroir dévoilant des recoins plus sombres de son jeu, qu’on lui laisse rarement l’occasion de montrer. Cependant, nous aurions aimé être davantage captivés par cette histoire à tiroirs dont le postulat de base éveillait pourtant grandement la curiosité. Les révélations sont finalement évidentes et la clé de tout cela nous apparaît décevante.