La semaine dernière, le premier vice principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante, Ollivier Dyens, prenait la parole sur la question longtemps débattue d’une possible semaine de relâche pendant la session d’automne à l’Université. Cela fait maintenant quelques années que le sujet est sur la table, sans pour autant évoluer. Promesses de campagne des candidats à l’AÉUM, motion votée à l’Assemblée générale, articles réguliers dans la presse étudiante — ce n’est pas faute du corps étudiant de pousser au changement.
Dans son entrevue avec le McGill Reporter, l’organe de presse de l’administration, Ollivier Dyens défendait pourtant une position déconcertante : d’après lui, l’idée d’implanter une semaine de relâche est certes pleine de bonnes intentions, mais impossible à implémenter et dénuée de bénéfices pour la santé mentale des étudiants. Vraiment ? Un débat sur les bienfaits de l’implémentation d’une semaine de relâche nécessitant plus que la page qui nous est ici allouée, attardons-nous plutôt sur les failles des arguments présentés dans cette entrevue.
En mauvaise forme
Commençons peut-être par la question du format. Seulement quelques phrases, dénuées de sources ou de chiffres, afin de clore le dossier « semaine de relâche ». Un comble, quand on connaît l’attachement de McGill à la rigueur scientifique et au référencement. Le professeur Dyens en vient même à se contredire quand il explique que les recherches sur le lien entre la santé mentale et la semaine de relâche ne seraient pas concluantes, alors que le rapport officiel qu’il cite un peu plus haut dans l’entrevue assure qu’obtenir une semaine de relâche réduirait le stress, l’absentéisme, et favoriserait l’ouverture des étudiants aux activités en dehors du campus (accommodate off-campus research and experiential learning, ndlr). Au vu du peu de temps apparemment alloué à l’évocation de cette question épineuse, comment ne pas assimiler cette économie de mots à une forme de dédain à l’encontre des préoccupations des étudiants ?
Responsabilité des étudiants pour trouver une solution
Ces explications n’ont cependant pas fini de nous surprendre. Le professeur Dyens explique qu’il est de la responsabilité des étudiants de trouver une solution aux contraintes institutionnelles et pratiques qui empêchent d’implémenter une semaine de relâche. Ce transfert de responsabilités est tristement ironique, quand on sait que les étudiants mcgillois doivent déjà combler de nombreuses lacunes de l’administration — des services de santé mentale jusqu’à une politique sur la violence sexuelle — et tout cela de manière souvent bénévole, empiétant sur leurs études à l’emploi du temps des plus exigeants. Certes, l’administration semble multiplier les initiatives pour répondre à ces problématiques, notamment avec la création d’un bureau contre la violence sexuelle ou la mise en place d’un groupe de travail sur le respect. Cependant, ces actions sont toujours réactives, et souvent mises en place a posteriori. Trop peu et trop tard en somme ?
Hygiène de vie, chienne de vie ?
En guise de mot de la fin, le professeur Dyens nous enjoint à adopter une « hygiène de vie » équilibrée. Vaste programme ! Les étudiants souffrent de stress, d’anxiété, les demandes au sein des services de santé mentale connaissent une croissance sans pareil ? Qu’à cela ne tienne ! La solution proposée par le professeur Dyens est pourtant simple : cesser de boire du café et de consommer des drogues de performance, dormir huit heures par nuit, manger équilibré, faire de l’exercice régulièrement. Si ces recommandations ont sûrement des intentions louables, il nous semble cependant nécessaire de souligner que l’hygiène de vie déséquilibrée décriée par le professeur Dyens est souvent la conséquence, et non la cause, de la santé mentale chancelante des étudiants. C’est ce contexte universitaire — les horaires irréguliers, un sentiment de pression académique continu — qui pousse certains à accumuler les nuits blanches, les tasses de café et les pilules de Ritalin. Comment faire face aux examens et aux essais qui s’accumulent pendant quatre longs mois, sans aucune possibilité de faire une pause pour échapper au rythme effréné du calendrier académique et se recentrer ? Au-delà de la question du travail, ce sont les défaillances propres aux structures mcgilloises face aux besoins d’accompagnement des étudiants qui jouent un rôle important dans la détérioration de la santé mentale de nombre d’entre eux. Une défaillance structurelle à laquelle le premier vice principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante est censé remédier.
S’il ne faut tirer qu’une leçon de l’entrevue du professeur Dyens, c’est que notre université semblerait toujours incapable de prendre la santé mentale de ses étudiants au sérieux.
Cette semaine, Le Délit élabore un dossier sur la santé mentale pour sa dernière édition. Nous espérons que ces articles rappelleront à tous la nécessité de s’interroger sur les aspects structurels de l’Université susceptibles de porter atteinte au bien-être psychologique des étudiants.