Eve 2050, c’est le nom du projet chorégraphique immersif dirigé par la chorégraphe Isabelle Van Grimde, et présenté à l’Agora de la Danse du 20 au 22 septembre. Pendant trente minutes, dans une salle baignée dans l’esthétique de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies, sept danseuses et danseurs proposent une performance explorant une vision de l’humain de demain, un hybride entre les genres, les âges et les technologies. Retour sur ce petit voyage dans le futur.
Un univers immersif
Lorsqu’on entre dans la salle, on plonge immédiatement dans un univers technologique, futuriste et inorganique. Les danseur·se·s sont immobiles et dispersé·e·s au milieu du public. Lentement, sur une intrigante bande sonore synthétisée, ils et elles s’animent. Mouvements saccadés et évolutifs, magnifiés par les effets de lumières : on ne peut qu’admirer la fluidité des corps, des mouvements, la puissance de la chorégraphie (qui n’est pas sans rappeler l’étrange ballet des acteur·rice·s de la série The OA –Original Angel). Le projet, décrit sur le site de l’Agora comme une « quête chorégraphique, scientifique et philosophique portant sur le corps humain », amène avec souplesse une « dé-genrisation » du corps. On ne voit plus des hommes et des femmes, mais un seul corps démultiplié, qui se contorsionne, s’éclate et se rassemble.
Si loin, si proches
Dans cette installation numérique interactive, entre projections vidéos, capteurs de mouvements, effets lumières et autres ingéniosités techniques, nous [le public] participons malgré nous à l’élaboration de cet étrange univers. Des logiciels captent, transforment et rediffusent nos gestes, intégrant nos corps à la performance. L’absence de différenciation de l’espace de performance crée un effet de proximité ambigu avec les danseuses et danseurs. Ils et elles sont devant nous, autour de nous, si proches que nous pourrions les toucher. Pourtant, le regard vide, les gestes précis et dénaturés, ils et elles paraissent vertigineusement loin. Une barrière invisible et hypnotique s’érige entre leur univers, inaccessible, et le nôtre.
La performance s’étire et se complexifie, jusqu’à la retraite des danseur·se·s, après laquelle nous sommes libres de déambuler dans l’installation nébuleuse.
C’est ça le futur ?
Malgré la qualité de la performance, on ressort difficilement convaincu·e de notre rencontre avec cet « humain de demain ». Car la vision qui en est donnée et la mise en scène futuriste s’approchent plus d’un film de science-fiction démodé que d’une création véritablement innovante. Les costumes portent les marques d’un rétro-futurisme des années 1990 et les logiciels et projections mis en scène, quoique participant à l’immersion du public, ne semblent pas nécessaire à la performance. Par ailleurs, la fascination devant un univers ultra-technologique peut sembler à certain·e·s relativement dépassée. L’intelligence artificielle, la robotisation, la déshumanisation des corps… Si ces menaces sont réelles, leur représentation est omniprésente et lassante. L’image d’une telle société, où l’organique et l’humain disparaissent sous le poids de l’artificialisation et de la perte des espaces naturels, relève plus du cauchemar que de l’extase artistique. Est-ce vraiment elle, la « Eve » de 2050 ?