Si l’on ne le sentait pas déjà, la campagne électorale au Québec fut plutôt claire sur une chose : il existe des différences énormes dans les valeurs qui motivent la génération des baby-boomers et celle des « milléniaux », principalement en ce qui concerne la crise écologique. Certain·e·s nient tout simplement son existence, d’autres croient que la communauté scientifique exagère ses effets, et ces croyances se trouvent principalement chez les baby-boomers, mais n’épargnent pas, en certaines circonstances, la génération Y.
Apogée de l’individualisme
Si l’on se fie aux statistiques du gouvernement fédéral datant de 2011, les baby-boomers représentaient alors 3 personnes sur 10. Au cours de l’histoire du Québec, ce sont les enfants de l’après-guerre qui ont fortement contribué à l’essor du système capitaliste, entre autres par un besoin marqué d’autoaffirmation et d’affranchissement face à la religion catholique. Comme l’a dit le journaliste Louis Cornellier dans Le Devoir en 2016, c’est la société traditionnelle québécoise (au sein de laquelle les strates sociales étaient extrêmement rigide, et la religion catholique occupaient une place majeure dans la société) qui laisse place à la société de consommation. Le capitalisme, qui est aujourd’hui la source d’un problème qui semble insurmontable, fut le moyen d’atteindre la liberté et l’affirmation de soi pour cette génération.
Génération de l’individualité
Selon le Times, la génération Y serait la plus anxieuse et narcissique jamais observée. Avec l’avènement de la technologie, il semble effectivement y avoir quelque chose un tantinet narcissique avec le concept des réseaux sociaux, qui nous ont presque élevés, et un « sevrage » de ces derniers représenterait une grande gêne pour nous. C’est donc sans surprise que l’on entend les générations au-dessus de la nôtre l’associer abusivement à la technologie, mais un sujet nous divise plus encore : la question de l’environnement nous déchire beaucoup plus qu’elle nous rassemble (ce qu’elle devrait pourtant faire!).
Si les baby-boomers ne se sentent pas aussi interpellés par la question des changements climatiques, il ne faut pas les blâmer, mais plutôt les remettre dans leur contexte sociohistorique. Il est difficile de dire à toute une génération qu’elle devrait laisser tomber ce qui l’a libérée ; le système capitaliste est sans aucun doute problématique et devrait être remplacé par un système économique soutenable à long terme et qui appelle à l’égalité. Mais il demeure que le système économique actuel permet une grande liberté individuelle… si l’on peut se le permettre, paradoxalement.
Historiquement, c’est dans l’après-guerre que la communauté scientifique observe une augmentation de la température terrestre, mais ce n’est qu’en 1980 qu’un consensus autour de la question du climat se forme. Et déjà, à l’époque, les résultats prédisent un avenir horriblement prévisible : « Si la concentration de CO2 advenait a doublé[…], nos estimations prédisent des hausses des températures terrestres s’élevant à trois degrés celsius, et à ces hausses s’ajouteront des conséquences significatives aux conditions climatiques » lit-on dans un rapport sur le dioxyde de carbone et sur le climat datant de 1979. Il faut dire que les baby-boomers ont connu l’avènement de la crise écologique et de ce fait l’annonce semblait peut-être très loin d’elles et eux. La génération Y ayant grandi avec le nez dedans, cela explique peut-être sa plus grande sensibilité face à cet enjeu.
Malgré que plusieurs choses séparent les deux générations « dominantes » de la vie politique, économique et culturelle, une chose devrait nous rassembler : cette épée de Damoclès qui nous tombera sur la tête dans deux ans. Nous ne sommes plus à l’avant des décennies dont les scientifiques nous parlaient, il faut agir et faire la chose la moins naturelle : laisser tomber ce que l’on croyait être bon pour nous, cesser de prôner l’individualisme (mal dont les deux générations sont coupables d’ailleurs).
Lorsque l’on sait que seulement cent entreprises sont responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre, il semble parfaitement contre-intuitif de continuer à soutenir le capitalisme. Il est temps de surpasser nos dangereuses envies de consommation abusive et de confort qui nous mettent tous et toutes en péril.
Se sentir impliqué·e
Bien que la majorité des gaz à effets de serre (qui ne représente pas tout ce qui contrevient au climat) soit émise par de grandes compagnies et que cela est partiellement hors de notre contrôle, il n’empêche qu’en continuant de vivre sans lendemain, nous encourageons ce système cancérigène. Cessons de pointer l’autre du doigt et agissons d’un seul élan, générations réunies.