Au sous-sol de la Place des Arts se déroulait, le 1er novembre dernier, la répétition devant médias de l’opéra de Wagner, Das Rheingold. En présence des artistes lyriques, du directeur artistique, du metteur en scène et du chef d’orchestre, Le Délit a eu un avant-goût de la merveilleuse et sublime œuvre qui s’apprête à conquérir Montréal. Le journal s’est entretenu avec Caroline Bleau (Freia), chanteuse soprano, et le metteur en scène Brian Staufenbiel.
Le Délit (LD) : Mme Bleau, en tant que soprano, quelle est la difficulté de cette pièce de Wagner ?
Caroline Bleau (CB) : C’est mon premier opéra de Wagner à vie, donc j’ai un rôle qui n’est pas vocalement très exposé — je n’ai pas beaucoup à chanter — ce qui me permet d’entrer dans l’univers de Wagner d’une manière « sécuritaire », si je puis dire. C’est certain que je vais être appelée à chanter d’autres rôles de Wagner dans le futur […]. Il va donc me falloir développer de l’endurance, je dirais, pour résumer Wagner. Le chanter demande une endurance vocale et une intelligence du texte. Ce ne sont pas seulement des personnes qui « chantent fort », il y a beaucoup de subtilités chez Wagner que l’on ne va pas souvent chercher. Cela sera mon but : aller exploiter ces particularités dans le futur. Toutes les couleurs que l’on peut chercher dans Wagner.
LD : Quel sentiment allez-vous tenter de susciter chez le spectateur ?
CB : Mon rôle n’est pas très important vocalement, mais il l’est pour le déroulement de l’histoire. Elle [Freia] est souvent perçue comme une enfant gâtée qui n’arrête pas de se plaindre, mais je ne veux pas donner cette image. Je veux donner l’image d’une femme-enfant, en quelque sorte. Une femme qui ne sait pas encore contrôler ses sentiments. Alors, elle a vraiment des moments d’exaltation où est-ce qu’elle veut prendre les choses en main, mais en même temps elle ne peut pas confronter le personnage principal, qui est le dieu suprême. Elle doit donc reprendre sa place et ne trouve pas encore la balance entre ce qu’elle peut se permettre de faire ou non. C’est ce côté que j’essaye d’exploiter.
LD : Croyez-vous que cet opéra de Wagner puisse être une « consolation » pour notre époque ?
CB : C’est très d’actualité. Il est question de la recherche du pouvoir, du fait que lorsque l’on en a, nous en voulons toujours plus. Aussi, de notre équilibre avec la nature. Les conséquences de nos actes sur tout le monde ; puis la valeur d’une vie humaine. Qu’est-ce qu’une vie humaine vaut ? Quel en est le prix à payer ?
LD : Deux courtes questions. Quel est votre sentiment par rapport à cet opéra et par rapport à Wagner plus généralement ?
Brian Staufenbiel (BS) : En général… ce n’est pas une courte question ! Wagner est l’un des grands compositeurs opératiques. L’un des éléments particuliers qu’il propose fut l’intégration du « drame » à un nouveau niveau. Il pensait l’œuvre d’art « as a whole »(« comme un tout », ndlr). Quel est mon sentiment à ce sujet ? C’est un génie. C’est le précurseur du film et de la manière que nous avons d’utiliser la musique psychologiquement afin d’affecter les émotions. Une personne importante, un compositeur brillant et un grand raconteur d’histoires.
LD : L’Histoire se souvient du Festival de Bayreuth où Wagner fit exécuter en grande pompe Das Rheingold. Un chef‑d’œuvre. De votre côté, quelle expérience avez-vous tenté de constituer ?
BS : En ce qui me concerne vis-à-vis des spectateurs, il s’agit de raconter une histoire. C’est une question d’intimité. Lorsque l’on réussit à créer une intimité lors d’un opéra, cela permet de rendre tout plus vivant. Cette mise en scène ne vous fera pas sentir si éloignée. Elle fait sentir au spectateur qu’il est dans la même pièce où l’histoire se déroule. L’histoire réussit donc à captiver l’imaginaire et à attirer le spectateur vers la scène.