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Émois idéologiques

À l’Espace Go, le débat politique est ouvert à tou·te·s.

Courtoisie de Gami Simonds

Il y a un théâtre qui vous retourne l’estomac, vous donne à penser, vous émeut parfois aux larmes. Le chercher est compliqué, le rencontrer est rare. The Assembly est de ce théâtre. La pièce de théâtre documentaire, mise en scène par Chris Abraham, était présentée à l’Espace Go la semaine passée, dans sa version anglophone.

Confronter les idées

Le projet commence en 2016, l’écrivaine Annabel Soutar propose aux acteurs Alex Ivanovici et Brett Watson de se rendre aux États-Unis pour interroger l’électorat de Donald Trump, dans une tentative de comprendre son ascension politique. Les créateur·rice·s souhaitent poursuivre la conversation au Canada, se rendant compte de l’intérêt de poser une question plus générale : quels débats avoir pour aborder les clivages politiques ? Ivanovici et Watson décident alors de réunir chez eux, depuis décembre 2017, des personnes à opinions politiques opposées et organisent un débat. The Assembly est la reconstitution d’une de ces conversations.

Les acteur·rice·s sur scène incarnent les quatre personnes présentes durant cette conversation. Une femme blanche canadienne d’une soixante-dizaine d’années, activiste du mouvement alt-right. Un étudiant blanc et juif, à la tête du club des conservateur·rice·s de l’université anglophone montréalaise (qu’on imagine très bien être McGill) où il étudie. Hope, une femme noire jamaïquaine, vivant au Canada depuis ses dix ans, travaillant en tant que comptable, plutôt apolitisée mais se disant libérale. Enfin, une personne queer, juive, défendant corps et âme l’anarchisme : Shane. Pendant une heure, autour d’une immense table surplombant la scène, les quatre discutent de politique, Ivanovici et Watson agissant en médiateurs. 

Lames humaines

Avec une scène placée tel un plateau de télévision entre les publics, la projection des visages des personnages, filmés en direct et en hauteur, et un jeu d’acteur·rice d’une grande qualité : la mise en scène ajoute à la pièce le dynamisme dont le texte aurait pu manquer. Le débat, très vite, part sur la question de l’immigration et met l’accent sur les clivages idéologiques entre les personnages. L’impression de réel, par le jeu et la conversation, est telle qu’on ne sait plus si on assiste à une conversation spontanée ou non, avant que les échanges privilégiés entre débatteur·se·s et médiateurs – sous forme d’apartés – nous ramènent à la réalité. 

La pièce donne à penser sur notre gestion des clivages politiques autant dans la sphère publique que privée. Quelles idées prenons-nous pour acquises ? Les échanges sur le « politiquement correct » et les questions d’immigration sont frappants tant ils font écho à des conversations dont nous avons tou·te·s pu témoigner, ou auxquelles nous avons pu participer. En assistant à une remise en question de toutes les valeurs et idéaux que différents camps défendent, l’on se retrouve dans un cheminement de pensée amenant à la réflexion sur ses propres idées politiques. L’apothéose de cette démarche est atteinte au bout d’une heure de pièce. Le comédien incarnant Shane se lève et annonce que les acteur·ice·s vont quitter la scène et la laisser disponible au public. Certain·e·s spectateur·ice·s courageux·ses se lèvent et prennent la parole, continuant la conversation initiée par les comédien·ne·s et indirectement par les personnes ayant réellement eues ce débat. La conversation gagne une nouvelle dimension, et signifie de l’importance de la politique dans le conscient collectif.

The Assembly est d’une force émotionnelle que j’ai rarement pu rencontrer au théâtre. Cette force réside dans l’immense écho entre ce qui est vécu sur scène, et ce qui se vit une fois la salle quittée.


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