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Gilets jaunes en France : qu’en est-il ?

La mobilisation se maintient, mais l’avenir est incertain.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Lors du rassemblement national du 12 janvier, le ministère de l’intérieur français fait état de 84 000 manifestants. Un regain par rapport aux deux dernières semaines, mais aussi moins d’un tiers de l’ampleur des débuts de la mobilisation. Si « l’essoufflement » du mouvement dont parlent les médias français est discutable, l’avenir des gilets jaunes est véritablement compromis par l’enlisement progressif du débat national se faisant autour de la contestation. Pour comprendre, il convient de revenir sur un mouvement à plusieurs égards inédit dans le paysage sociopolitique français.

Un mouvement national

Le mouvement des gilets jaunes est une contestation nationale comme on en voit peu : elle réussit à casser avec la malédiction traditionnelle de la concentration urbaine, la majorité des manifestants se regroupant dans les zones rurales. Elle est aussi inédite de par son hétérogénéité : plusieurs études ont pointé du doigt l’alliage de différents courants politiques sous une même bannière. Malgré la diversité des profils, les revendications sont les mêmes : faisant originalement écho à la hausse de la taxe sur le carbone, le mouvement réclame un changement radical de la politique fiscale et sociale du gouvernement, jugée injuste, vers une taxation plus compréhensive et une hausse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires. 

À tous les échelons du mouvement, le désir pour davantage de démocratie directe (notamment par le biais du référendum d’initiative populaire, dit R.I.C) se fait également entendre. Dès les premières manifestations, se déroulant principalement sous forme de défilés et de blocages, l’opinion publique est plutôt favorable au mouvement. 

À dater du 11 janvier, 74% des Français trouvent le mouvement justifié, et 61% le soutiennent. Mais certaines questions continuent de diviser le pays. 

La violence symbolique 

D’abord,  la violence : de nombreux accrochages sont recensés lors des manifestations, notamment entre les manifestants et les forces de l’ordre, amenant à plus de 5 000 arrestations. À Paris comme dans les plus grandes villes, de nombreux véhicules sont brûlés et des vitrines brisées. Les images de l’Arc de Triomphe recouvert de tags sont lourdes de symbole et choquent l’opinion publique. Alors que le mouvement est officiellement non-violent, le débat s’enflamme au sujet de la légitimité de tels moyens d’action, laissant apparaître des clivages importants au niveau de l’information et des espaces dans lesquels elle est relayée : alors que les médias dominants passent et repassent les images des Champs-Élysées plongés dans une atmosphère de chaos, les réseaux sociaux sont envahis d’images d’importantes violences policières, de billets déplorant les moyens violents et hasardeux employés par les forces de l’ordre, comme la grenade explosive, une arme que la France est le seul pays d’Europe à utiliser dans ce contexte.

Ensuite, la question de la réponse gouvernementale polarise aussi les Français. Le mouvement des gilets jaunes réclamant notamment la démission d’Emmanuel Macron, il ne peut que difficilement obtenir gain de cause, même si la cote d’impopularité du président atteignait 75% avant Noël. Si l’exécutif recule symboliquement sur la hausse de la taxe carbone et consent à un ensemble de mesures dites « d’urgence économique et sociale » allant dans le sens des revendications, la plupart des demandes restent insatisfaites, notamment l’instauration du R.I.C. et le retour de l’impôt sur la fortune, que Macron a fait disparaître.

La suite des évènements

Alors que le mouvement se poursuit, les positions se durcissent chaque jour davantage. Les grandes chaînes de télévision (proches d’Emmanuel Macron depuis sa campagne présidentielle) ont tendance à marginaliser un mouvement qui reste populaire auprès des Français, tandis que la rhétorique des gilets jaunes prend chez certains des accents populistes et dégagistes. Pour des sociologues tels que Monique Pinçon-Charlot, ou encore des politiciens comme Jean-Luc Mélenchon, il s’agit là d’un conflit de classe : on assisterait à la contestation légitime d’une classe populaire que desservirait gravement la politique fiscale d’un ordre néo-libéral au service des plus riches. 


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