Ces dernières années, le Québec a vu la fermeture de nombre de ses journaux et magazines locaux. L’annonce de la faillite du Groupe Capitales Médias s’est annoncée comme une brique de plus tombant sur le monde journalistique. Cette entreprise, créée il y a quatre ans par l’homme d’affaires Martin Cauchon, avait racheté les journaux régionaux de l’entreprise Power Corporation, qui souhaitait s’en départir.
Les villes de Québec, Granby, Sherbrooke, Trois-Rivières, Gatineau et Saguenay risquent ainsi, à court ou à moyen terme, de perdre leurs principales sources d’information locales. Le gouvernement du Québec a déjà annoncé, subséquemment à la faillite de Capitales Médias, une aide d’urgence de 5 millions de dollars, qui s’ajoute aux 10 millions de dollars prêtés auparavant et pour lesquels il ne compte pas être remboursé.
Impasse
Si les journaux du Québec font face à de telles difficultés, c’est d’abord en raison de leur modèle d’affaire de moins en moins soutenable. Depuis des années et encore aujourd’hui, les médias tirent la majorité de leurs revenus des espaces de publicités qu’ils vendent à des entreprises et des particuliers.
Or, avec l’arrivée d’Internet et particulièrement des réseaux sociaux, ils ne sont plus les seuls intermédiaires possibles entre l’annonceur et le public qu’il souhaite rejoindre, et encore moins les plus efficaces. En quinze ans, les revenus publicitaires des médias écrits auraient donc chuté de deux-tiers. À l’inverse, les géants d’Internet capturent une part de plus en plus grande de ce marché : 74,3% de l’argent dépensé en publicité sur Internet serait allé à Facebook et à Google, selon le Canadian Media Concentration Research Project (Projet canadien de recherche sur la concentration des médias, ndlr). Le Devoir a par ailleurs révélé cette semaine que les ministères, sociétés d’État et autres organisations publiques dépensaient une part de plus en plus grande de leurs budgets publicitaires auprès des géants de l’Internet, principalement Google et Facebook.
La source de revenu la plus sûre pour la plupart des journaux québécois, comme Le Devoir ou Le Journal de Montréal, reste le prix payé pour s’y abonner. Or, dans un effort compétitif pour atteindre plus de lecteurs et ainsi obtenir plus de revenus publicitaires, certains journaux, comme par exemple La Presse, font le pari d’être distribués complètement gratuitement. Cela leur permet d’aller chercher un plus grand lectorat, et donc plus de revenus publicitaires, privant ainsi les autres journaux de beaucoup de revenus d’abonnement.
Solutions à la crise
De passage à la commission, des représentants de l’industrie de la presse écrite ont proposé des solutions au gouvernement. L’une des plus évoquées était d’accorder aux médias des crédits d’impôts afin qu’ils puissent embaucher plus d’employés, ou du moins ne plus être obligés d’en licencier. La FPJQ (Fédération professionnelle des journalistes du Québec, ndlr) a, pour sa part, proposé que l’État québécois finance directement certains médias, à l’image de ce que fait le gouvernement fédéral avec Radio-Canada. L’organisation a affirmé, citant l’exemple de la BBC au Royaume-Uni, que l’indépendance des médias n’était pas nécessairement compromise par l’implication gouvernementale.
Toutefois, d’autres acteurs du milieu ne se sont pas montrés de cet avis ; Pierre Karl Péladeau, PDG de Québécor, la plus grande entreprise médiatique au Québec, a plaidé qu’un financement gouvernemental représenterait une concurrence indue dans l’industrie médiatique.
D’après lui, les faillites d’entreprises médiatiques, notamment celle de Capitales Médias, résultaient d’une mauvaise gestion des ressources de l’entreprise.
Pour le moment, le gouvernement Legault n’a annoncé aucune solution à long terme pour sauver l’industrie médiatique, mais il compte déclarer d’ici la fin de la session parlementaire comment il abordera le problème. D’ici là, les journalistes et ceux qui les lisent retiennent leur souffle.