Fin juin dernier, des images de violence policière en France circulaient dans le monde entier. Des activistes du groupe Extinction Rebellion bloquaient l’entrée d’un pont à l’occasion d’une manifestation à Paris, et se sont fait déloger de force par la police à l’aide de gaz lacrymogène. Les images, d’une violence rare, mettaient en exergue l’acharnement des forces de l’ordre pour réprimer toute manifestation, non-violente ou non, et la résignation des militant·e·s à protester. En quelques mois, le mouvement Extinction Rebellion s’est fait une place dans la sphère de l’activisme environnemental, à coups d’actions radicales suivant la philosophie de la désobéissance civile (p. 8–9). Soutenu par Greta Thunberg, le mouvement semble s’inscrire dans un vent nouveau, gagne en ampleur et met l’urgence écologique au coeur de sa raison d’être. Au regard des cris d’alarme des scientifiques et en observant les manifestations évidentes de la crise climatique, l’on pourrait presque se dire « enfin ». Pourquoi, ce « enfin » ?
Extinction Rebellion est loin d’être le premier mouvement d’action pour l’environnement. Des organisations à vocation similaire telles que Greenpeace ou le Fonds mondial pour la nature (WWF) existent depuis bien plus longtemps. Toutefois, au vu de l’aggravement continuel de la crise climatique, il est évident que ces aînés de la lutte environnementale ont tendance à s’essouffler dans leur activisme. De nombreuses critiques leur reprochent une institutionnalisation à contre-courant de leurs vocations initiales à défier le statu quo. À force de hiérarchie et d’ancrage gouvernemental, ces organisations deviennent trop peu malléables pour prétendre porter les luttes efficacement. Cette perte de vitesse est aussi souvent le fait d’une conception occidentale et blanche de l’activisme environnemental, qui laisse de côté des voix minoritaires mais non moins concernées par les changements climatiques et les dégradations des écosystèmes. Si l’action environnementale doit être mise en oeuvre de toute urgence, elle ne peut se faire au détriment de considérations sociales tout aussi importantes. C’est cette prise de conscience qui provoque l’avènement d’une nouvelle vague d’activisme environnemental, tel que celui prôné par Extinction Rebellion, qui place l’intersectionnalité au cœur de ses luttes et pour qui la notion de justice climatique est essentielle.
Le caractère nouveau du mouvement prend racine dans ses fondements idéologiques et son mot d’ordre, la rébellion. Le mouvement est pensé pour être radicalement efficace dans ses stratégies d’action. Ses penseur·se·s, inspiré·e·s par les occurrences de désobéissance civile dans des mouvements de libération comme celui des droits civiques aux États-Unis ou pour l’indépendance de l’Inde, ont tenté de déterminer les tactiques les plus puissantes pour renverser des systèmes oppressifs entiers. Extinction Rebellion s’inscrit dans une mouvance qui prône un engagement citoyen massif pour une réaction à la crise climatique, et nous met finalement face, avec ses campagnes d’action non-violentes, à notre propre inaction.