The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan pour la version française), l’avant-dernier film de Xavier Dolan, est enfin sorti. Le septième long-métrage du réalisateur a connu plusieurs rebondissements : coupure au montage de l’actrice Jessica Chastain (annoncée au début comme tête d’affiche), douche froide de la critique au TIFF (Toronto International Film Festival ou le Festival International du film de Toronto, en français) en 2018 ainsi qu’une sortie québécoise non annoncée alors que le film était déjà sorti en France. À l’écran, on peut voir le nec plus ultra du cinéma américain. Kit Harington partage l’écran avec Natalie Portman, Susan Sarandon, Thandie Newton et le jeune espoir Jacob Tremblay. Le film — prenant comme point de départ la relation épistolaire entre l’acteur John F. Donovan et Rupert, jeune garçon d’une dizaine d’années — orbite entre plusieurs moments de la vie des deux personnages principaux.
Raconter l’admiration
Dolan reprend des thèmes qui lui sont chers, comme l’admiration, la relation mère-fils et l’homosexualité, et les projette dans un New York pailleté et une banlieue londonienne maussade. Le réalisateur s’imprègne des codes narratifs hollywoodiens et ajoute aux thèmes qu’il traite ordinairement le thème de la célébrité et de la réussite dans le milieu du divertissement. The Death and Life…, bien qu’il puisse, à première vue, sembler moins autobiographique que d’autres films de Dolan, semble faire en fait plus écho à la (nouvelle) vie du réalisateur. Bien que John F. Donovan soit plongé dans les artifices de la célébrité, les questions de santé mentale et d’homophobie apportent contraste au thème de la célébrité. Ces nuances rendent intrigante — sans fasciner — la relation privilégiée que l’enfant entretient avec la star. Le film s’empare de beaucoup de sujets, mais vient à oublier la subtilité que l’on retrouve habituellement dans les œuvres du réalisateur montréalais, s’engouffrant parfois dans un pathos regrettable.
Fresque à trous
Se dessinent au fil de l’histoire les vestiges d’un film que l’on ne verra jamais. Avec une histoire qui se raconte autant au passé qu’au présent, la narration se voit tiraillée. Si l’on nous cède des indices sur les événements qui se déroulent, les ellipses narratives laissent souvent dans le flou. Peut-être qu’un director’s cut (version du réalisateur, en français) rendrait mieux hommage aux intentions de Dolan, mais le produit fini peut laisser confus·e lorsqu’on voit l’ambition du film, tant dans ce qu’il veut raconter que par les personnages qu’il essaie de mettre en avant. Si la construction narrative est parfois incomplète, le film se saisit franchement des sujets qu’il traite et transmet une émotion qui devient le fil rouge de la seconde moitié du film. Les rapports que les deux personnages principaux entretiennent avec leurs mères et la violence de l’homophobie latente catalysent l’émotion et viennent épaissir le propos du film, bien que les ressorts utilisés par Dolan ne soient pas entièrement novateurs dans son cinéma. La force du film réside principalement dans la performance des acteur·rice·s qui donnent vie à cette émotion ; Natalie Portman et Susan Sarandon complètent superbement la distribution, tout en nuançant le portrait que Dolan fait habituellement des mères. Au bout du compte, The Death and Life of John F. Donovan parvient à faire son effet, sans pour autant bouleverser. Les inconditionnel·le·s de Dolan se retrouveront sûrement dans le film, mais ceux et celles qui lui reprochent son narcissisme seront fatalement agacé·e·s par cette nouvelle interprétation des sujets de prédilection du réalisateur.