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Problèmes de traduction flagrants

Le Délit s’est entretenu avec Juliette Chesnel, commissaire aux Affaires francophones.

Sanjna Somaiya

Le Délit (LD) : Quels ont été tes engagements importants en tant que commissaire aux Affaires francophones ?

Juliette Chesnel (JC) : J’ai fait une intervention avec Manon Lemelin auprès des étudiants de première année. Puisque la commission n’a été rétablie que l’année passée, j’ai trouvé ça pertinent d’aller informer les étudiants entrant à McGill de son existence. Ce qui m’a surprise, c’est que de nombreux étudiants francophones ignoraient qu’ils pouvaient remettre leurs travaux en français. Je pense que c’est récurrent en général, qu’on soit au moins au courant de nos droits que de nos devoirs. Pour la nuit des activités de l’AÉUM (Activities Night en anglais, ndlr), on a aussi présenté une liste d’activités, de ressources et de clubs francophones, pour les étudiants qui ont un bon niveau de français, ainsi qu’une liste de ressources pour ceux désireux d’apprendre le français. C’est quelque chose qui a bien plu. Sinon, mon travail a été divisé entre la promotion du français et les problèmes de traduction, le gros morceau. D’habitude, ce n’est pas le rôle du commissaire de faire de la traduction et de la révision, mais maintenant, 75% de mon temps, c’est cela.

D’habitude, ce n’est pas le rôle du commissaire de faire de la traduction et de la révision, mais maintenant, 75% de mon temps, c’est cela 

LD : Vraiment ?

JC : Oui, mais ce n’est pas moi qui fais la traduction. Pour la chronologie, au tout début de septembre, un étudiant m’a contactée pour me dire « attention dans le student handbook (le guide des étudiants, ndlr), il y a des fautes ». Il y avait en effet beaucoup de fautes. Donc, j’ai contacté l’AÉUM, et c’était en fait une ancienne version du guide qui avait été distribuée. Ensuite, il y a eu la première infolettre, et là je me suis dit qu’il y avait vraiment un problème. C’était seulement un des traducteurs qui était responsable, parce qu’il y a en fait deux traducteurs (lesquels sont des emplois étudiants, ndlr). Par la suite j’ai rencontré le Département de communication et je leur ai demandé bien sûr de régler les problèmes de traduction, et ensuite de s’excuser. Faire des fautes n’est forcément pas volontaire, mais ce n’est tout de même pas respectueux. Quand j’ai vu la lettre d’excuse (qui comptait elle-même de nombreuses fautes, ndlr), en même temps que tous les étudiants en passant, il y a eu une plus grande réunion avec plus de personnes. Il fallait régler le problème et on a complètement changé le système de traduction. Les étudiants étaient quand même gardés, et l’AÉUM a embauché une entreprise externe. 

LD : Les mêmes étudiants ont été gardés ? 

JC : Oui, mais maintenant on a processus plus exhaustif de révision. L’entreprise externe fait la traduction, un traducteur de l’AÉUM révise et je faisais une dernière relecture. Après quelques semaines, on a essayé que j’arrête de réviser, puisque ce n’est pas mon mandat. Et ça a été une semaine où il y a eu des fautes dans l’infolettre. Depuis, on est retournés à la première méthode de fonctionnement.

LD : Ce mode de fonctionnement serait-il inefficace, aurait-on des employés incompétents à l’AÉUM ?

JC : Je ne pense pas que ce soit à moi de me prononcer à ce sujet, la Commission est indépendante et ce n’est pas moi qui gère tout ce processus.

LD : Est-ce que l’AÉUM a été coopérative sur le dossier ?

JC : Oui, le Département de communications a été très coopératif et ils ont été très réactifs. Je les ai trouvés à l’écoute sur plusieurs dossiers, comme le guide des étudiants au début de l’année. Je sens que les traductions de l’infolettre se sont raffinées avec le temps. Pour les textes de gouvernance, avec une importance institutionnelle, il y a toujours du progrès à faire. 

LD : Par rapport à la remise des travaux en français, as-tu vu des changements, une amélioration ?

JC : Je travaille avec Bruno Marcoux (représentant de la Faculté de génie au Conseil législatif de l’AÉUM, ndlr) sur le dossier, on s’est questionnés à savoir quel était le ressenti à ce sujet et nous avons conclu que c’était surtout le manque de transparence autour de la pratique. Les étudiants se demandent qui va corriger le travail, et comment cette personne est choisie. J’ai contacté le premier vice-principal exécutif adjoint (études et vie étudiante), Fabrice Labeau. Je l’ai rencontré il y a deux semaines et on a présenté la situation telle que les étudiants la percevaient. Nous avions réalisé au préalable un sondage, spécifiquement sur la remise des travaux en français. On a demandé s’il y avait une procédure universelle quant à la correction des travaux dans l’éventualité où le professeur ne parle pas français, et il n’y en a pas. Donc, c’est une politique interdépartementale, c’est contingent à la matière que vous étudiez.  On a demandé s’il était ouvert à une politique universelle pour McGill, et il n’y était pas opposé, mais ça ne semblait pas être sa première priorité. La prochaine étape quant à ce dossier est de rappeler aux étudiants qu’il y a des ressources disponibles s’ils ont des problèmes avec la correction de leur travail. On est là pour les accompagner, et leur rappeler leurs droits. Sinon, il y a des cas ou la clause de remise des travaux en français n’est pas mentionné dans le plan de cours, alors que celle sur le plagiat est systématiquement incluse : deux poids, deux mesures. Je pense donc que parler directement aux facultés sera fructueux ; c’est notre plan pour les prochaines semaines et pour le prochain semestre. 

LD : Es-tu satisfaite de ton travail du semestre passé ? As-tu des objectifs précis pour la prochaine année ?

JC : Oui, par rapport à quand je suis arrivée en septembre, il y a eu du progrès. Héloïse avait fait du très bon travail l’année passée, mais il est vrai que le poste de commissaire n’est réapparu que l’année passée. Elle n’a pu travailler qu’un semestre. La situation s’est stabilisée, elle est revenue à la normale. Est-ce que tout est mieux ? Non. On a un manque de représentativité par rapport aux différentes communautés francophones. Par exemple, souvent un mot employé est uniquement compris par une partie de la population francophone. Les événements en français sont promus, mais pas autant que d’autres événements. Les projets pour l’année prochaine sont surtout de faire plus de promotion, que ce soit par rapport à l’apprentissage du français ou des communications à l’AÉUM. Quand on a employé une entreprise extérieure, on a fait face à une contrainte budgétaire, et on nous a offert deux options : soit on produit des traductions et elles ne peuvent pas être révisées ou alors on n’en fait pas du tout.

LD : Tout un dilemme !

JC : Oui. Donc tant qu’à mal faire les choses, je pense que c’est mieux de ne pas les faire du tout. C’est moins irrespectueux.

Donc tant qu’à mal faire les choses, je pense que c’est mieux de ne pas les faire du tout 

LD : Sinon, il y a eu la question de la réforme institutionnelle du Conseil législatif, qui, selon la première version proposée, n’offrait pas de siège aux francophones ?

JC : Le comité qui avait fait le rapport n’avait jamais fait mention des francophones. Je suis allée aux consultations publiques qu’ils ont tenues, et je pense qu’ils ont réalisé qu’un (siège non-votant pour les francophones n’était pas optionnel, ndlr). Pour moi, ce serait un grand pas. Il n’y a eu qu’une seule motion (au moment de réaliser l’entretien, ndlr) qui a été rédigée en français depuis le début de l’année. Quand on regarde les documents officiels du Conseil législatif, quand on lit les déclarations de l’AÉUM, on réalise que beaucoup ne sont pas traduites. Même une déclaration sur l’équité quant à l’enseignement était seulement disponible en anglais. C’est particulier qu’un document qui parle d’équité ne soit publié que dans une langue. Et après, dire que les francophones ne subissent pas de discrimination — je ne suis pas en train de dire qu’on est tout le temps discriminés — mais on ne peut pas dire que tout est rose. De dire ça, alors qu’au sein même de l’AÉUM, on a beaucoup de problèmes de traduction, c’est problématique. Même au sein du conseil, il y a assez peu de francophones. Et quand quelque chose qui touche les francophones est géré par des personnes qui ne le sont pas, ça aussi, c’est problématique. Ils ne savent pas quel est le ressenti, et ils ne pourront pas prendre les décisions adéquates. Donc, simplement avoir un siège consultatif au Conseil, c’est un premier pas. 


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