La compagnie de mime québécoise Omnibus met en scène Rêves, chimères et mascarade, une pièce dans laquelle sont mis à nu et disséqués les tourments et préoccupations de la vingtaine.
Six jeunes, trois hommes et trois femmes dans la même tranche d’âge et d’expériences diversifiées, sont dirigés par trois « maîtres d’œuvre » : Réal Bossé, Pascal Contamine, et Christian Leblanc. Jean Asselin, directeur de la compagnie, précise qu’à la différence d’un metteur en scène, un maître d’œuvre supporte, dirige la mise en scène, mais ne la constitue pas totalement : il laisse aux comédiens multidisciplinaires (danseurs, chorégraphes, mimes) l’art d’en constituer la manière. Les maîtres dœuvre sont en quelque sorte des mères porteuses ; une fois la période de gestation (la matière) mise à terme, ce sont les comédiens qui
héritent du pouvoir créateur. À ce propos, Jean Asselin parle de « l’encre de l’écrivain, la matière du sculpteur, des interprètes-créateurs ».
L’Espace Libre a dû subir, pour ce spectacle, une métamorphose physique : plus question d’une scène italienne classique, c’est à un immense rectangle gris, rappelant un large podium ou un terrain de jeux, que fait face le public. L’espace scénique est encadré par les spectateurs. Cette architecture renforce la communication avec ces derniers, leur attribuant un rôle de premier plan.
Reposant essentiellement sur une narration achronique, une utilisation minimale (voire nulle) d’éléments décoratifs, et une diégèse complètement déconstruite et éclatée, le spectacle est un ensemble d’expérimentations sur le corps de l’Homme et ses pouvoirs de suggestions. Entre la danse, le théâtre, l’improvisation, et le mime, Rêves, chimères et mascarade s’inscrit dans cette tendance esthétique de l’extrême contemporain : c’est-à-dire l’art de se définir par l’indéfinissable. Ainsi, l’œuvre donne l’impression de se construire et de se déconstruire durant la représentation ; non pas qu’elle soit arbitraire, mais qu’elle ait l’improvisation comme principe.
Des scènes de combats et de luttes, d’autres de baisers et d’actes amoureux, de débats politiques et philosophiques constituent le « propos » de la pièce. Son éthique a comme fil conducteur celui de la violence et de la tendresse. Et le corps dans tout ça ? Tout y prend forme : il est le réceptacle des multiples réifications. Ce corps devient alors le noyau d’(im)pulsions organiques orchestrées par la musique originale d’Éric Forget.
Rêves, chimères et mascarade demeure malgré tout un morceau d’art difficile à évaluer, du moins à juger. C’est un feu d’artifice qu’on se plaît à regarder, et dont on ne garde qu’un souvenir fragmentaire, quelque peu onirique. Morceau modeste et iconoclaste, certes, la pièce reste toujours fidèle à son objectif premier : le plaisir et encore le plaisir.