Que veut dire être « neutre » lorsque l’on rapporte les nouvelles ? Qu’implique être « objectif » dans notre travail, en tant que publication étudiante ? En plus d’être membres du conseil de rédaction du Délit, nous existons tous·tes, à part, dans le contexte mcgillois. Les grands mouvements étudiants et les décisions de l’administration rythment nos semaines et alimentent nos discussions. L’objectivité est supposément la vertu la plus importante d’un·e bon·ne journaliste : elle est évidemment cruciale, mais jusqu’où doit-elle s’étendre ? Pendant la campagne du changement de nom des équipes sportives, il y a un an, plusieurs des publications étudiantes de McGill ont choisi de ne plus citer celui-ci puisqu’il était raciste et heurtait les étudiant·e·s autochtones. Était-ce un clair parti pris ? Ne pas le faire l’aurait-il évité ?
Que veut-on dire lorsque l’on parle « d’objectivité journalistique » ? Et peut-on y prétendre ?
Même dans le domaine des sciences, pourtant jugé comme on-ne-peut-plus objectif, le savoir soi-disant neutre ou sans biais semble finalement être un produit de son contexte social (voir « Diversité et sciences », page 8). Ce que l’on considère « objectif » ne dépendrait-il pas de la crédibilité que l’on accorde à certains groupes d’une société ? Ainsi, dans un système colonial, patriarcal et blanc, les discours considérés comme objectifs sont, en réalité, souvent gangrénés par les biais des groupes dominants. Il semblerait donc que l’unique façon de réellement tendre vers l’« objectif » non-oppressif serait d’inclure équitablement toutes les voix dans la production de l’information, et ce, en sciences comme en journalisme.
Toutefois, les tentatives de représentation de voix minoritaires se font souvent par l’élévation en symbole d’une unique voix d’un groupe marginalisé sans prise en compte de la multiplicité de vécus et d’opinions existant au sein de ces groupes. D’autre part, lorsqu’est finalement initié l’effort de faire entendre des voix minoritaires, même avec souci d’objectivité, les expériences de ces dernières tendent à être rapportées à de plus larges cadres socio-politiques d’analyses. Il faut alors faire attention à ne pas conceptualiser ces cadres de façon radicalement disjointes, sans jamais les croiser. Sans lecture transverse des mécanismes de domination qui existent dans nos sociétés, nous perpétuons la marginalisation de ceux·celles qui vivent aux intersections de multiples oppressions.
La nécessité d’adopter un prisme intersectionnel et de ne pas céder à la facilité de la tokénisation est particulièrement urgente dans les milieux de création et de partage de l’information, en sciences comme en journalisme. D’autant plus, nous devons tous·tes dans nos discussions quotidiennes nous efforcer de prendre en compte ces réalités transverses et multiples pour tenter de saisir les parcours de vie de nos pair·e·s (voir « Toi et moi, la même chose », page 6).