En mars dernier, la COVID-19 a fait son entrée massive au Québec et au Canada. Rapidement, le gouvernement Legault a mis sur pied des mesures de confinement rigoureuses, s’appliquant à toute la province. L’interdiction des rassemblements, qui a été presque complète durant les deux premiers mois de la pandémie, a certainement marqué les esprits. Elle n’est d’ailleurs même pas encore complètement derrière nous, même si elle a été assouplie progressivement pour permettre, le 3 août dernier, à des groupes de 250 personnes de se rassembler dans les lieux publics. Inévitablement, cette interdiction est venue complètement chambouler la scène artistique, puisqu’elle a provoqué un gel presque complet des représentations.
Dès la mi-juin, la section Enquête du Délit a décidé d’investiguer les effets de la pandémie sur les milieux culturels à Montréal. Nous avons choisi de porter notre attention sur les individus composant ces milieux afin d’obtenir une information de première main. Dans le but d’élaborer un large dossier relatant le plus grand nombre d’expériences vécues possible, nous sommes entré‧e‧s en contact avec 18 personnes issues des quatre coins du monde culturel montréalais.
Bien qu’il soit impossible de prétendre couvrir et comprendre l’entièreté des expériences vécues par les agents culturels montréalais, cette enquête a cherché à explorer les grandes lignes du discours artistique par ces temps de pandémie. À partir des témoignages, nous avons concentré nos recherches dans différents sillons pour aboutir à huit articles distincts :
- Entracte forcée pour les arts de la scène, au sujet de la suspension des activités de scène ;
- Des processus déstabilisés de A à Z, sur la complexité d’enregistrer et de produire son art ;
- Le livre à distance, à propos de la sphère littéraire ;
- Au grand dam des grands cirques, au sujet des grandes difficultés vécues par les cirques ;
- La poésie à travers l’écran, une entrevue exclusive avec la directrice du Festival de poésie de Montréal ;
- Des espaces culturels en friche, un aperçu des défis des organismes culturels ;
- Une numérisation hasardeuse, un portrait des effets néfastes de la numérisation ;
- Un temps pour réfléchir, une réflexion sur les effets de cette pause sur la création.
Influencé‧e‧s par les articles pessimistes qu’ont fait paraître les grands médias pendant la pandémie, nous croyions que l’enquête allait consolider l’idée que le milieu de la culture avait été complètement mis à terre par la pandémie. Or, quelques nuances semblent s’imposer. Si l’impact financier a été majeur et hautement ressenti, il n’a pas entièrement arrêté les artistes dans leur processus et a même donné à certain‧e‧s de nouvelles matières pour créer.
Tout d’abord, il ne faut pas concevoir le monde culturel comme un tout homogène auquel s’applique les mêmes constats. Tous‧tes les artistes n’ont pas été affecté‧e‧s de la même manière, ni de la même amplitude, par la pandémie. Le milieu des arts vivants — voire ici la danse, le cirque, le théâtre, la musique et tous les arts scéniques — a bien sûr été dans les plus affectés, puisque l’industrie du spectacle, dont il tire la majorité de ses revenus, a été complètement dévasté par les mesures de confinement. C’est d’ailleurs en raison des difficultés particulières qu’a encourues ce milieu que nous avons choisi d’y concentrer une grande partie notre enquête.
Surtout, nous avons constaté que même si les états financiers de la culture ont pris un coup dur, il faut plutôt parler d’un chamboulement que d’une catastrophe. L’aide accordée par les différents paliers de gouvernement n’aura pas toujours été suffisante, mais elle aura permis aux pratiques artistiques de survivre et, dans la plupart des cas, d’éviter la faillite. Évidemment, encore une fois, ce constat est loin de s’appliquer uniformément à toutes et à tous : certain‧e‧s n’auront qu’à peine ressenti les effets économiques de la pandémie, grâce entre autres aux mesures de dédommagement. Pour d’autres, ces mesures se seront avérées largement insuffisantes et leur avenir demeure incertain.
Malgré ses conséquences, le confinement aura été pour toutes et pour tous une opportunité de repenser la création artistique, en particulier au niveau des vecteurs de communication. Les gens du milieu du spectacle ont par exemple été forcés de réfléchir à comment adapter leur art dans l’absence de contact physique avec le public : loin d’être vaine, cette réflexion aura un impact sur les démarches futures des artistes et sur les attente du public. Même si elle aura été faite de manière précipitée, plusieurs sont d’avis que cette réflexion aura un impact positif à long terme sur notre manière d’aborder la culture.