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Écrire les non-dits

Luce Engérant | Le Délit

Le web crache et vomit à la tonne des témoignages plus cinglants les uns que les autres. Entre les dénonciations d’abus, le flot de victimes et d’agresseurs s’entremêlent, des noms tombent comme autant de guillotines sur la tête des accusés. 

En avril dernier, Declan McCool, le vice-président interne de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) est accusé d’avoir commis des violences sexuelles. Plus récemment, Normand Doiron, professeur au Département de littératures françaises de McGill, est dénoncé via une page Instagram pour ses comportements problématiques.

Tranquillement, la bulle mcgilleoise des non-dits se rétrécit, afin de laisser place à de plus nombreuses prises de paroles – que l’on espère entendues. Entre le flot des victimes, l’insuffisance d’un système de justice trop lourd et des accusations invalidées, force est de constater que nous avons toutes et tous, de près ou de loin, un rôle à jouer et une parole à prendre dans cette houleuse vague de dénonciations.

11% des personnes qui s’identifient comme femmes ont été agressées sexuellement dans un contexte d’études post secondaires en 2019. 71% de la population étudiante a été témoin ou a fait l’objet de comportements sexualisés non désirés, sur le campus ou en ligne. Ces statistiques, si elles faillent à  rendre compte des vécus uniques de chaque personne, illustrent la dangerosité de garder le silence – d’accepter de taire des comportements fautifs, de fermer les yeux sur nos professeurs, nos collègues, nos amis, qui peuvent, eux aussi, causer du tort. 

Les violences sont multiples et insidieuses. Elles habitent nos sociétés, et s’incarnent dans les plus infimes détails de nos personnes – du racisme au capacitisme, nous sommes, tour à tour, agresseur, victime ou témoin. Il est impératif de remettre en question, collectivement, nos manières d’être et d’agir avec les autres. Il faut investiguer nos propres interactions, notre propension à entretenir la toxicité d’une relation, à travers certaines paroles, certains gestes qui peuvent être abusifs. Être à l’écoute, non seulement des mots mais aussi des actions, n’aura jamais été aussi important.

Le Délit affirme sa position d’alliée face à toutes formes d’oppressions et continuera d’offrir l’espace médiatique nécessaire aux voix francophones qui souhaitent s’exprimer. Aussi longtemps que nos institutions garderont le silence face aux violences commises en leurs murs, nous écrirons les non-dits. 


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