Le 17 novembre dernier, l’Université a dévoilé le nouveau nom de ses équipes de sport masculines. Après plus d’un an d’attente depuis l’annonce du processus de sélection d’un nouveau nom, c’est finalement celui de Redbirds – un nom qui évoque en anglais le cardinal rouge – qui a été retenu. Les équipes féminines, quant à elles, conserveront le nom de Martlets. Comme auparavant, aucune des deux équipes ne portera un nom francophone officiel.
Dans un courriel envoyé à toute la communauté mcgilloise, le premier vice-principal exécutif adjoint Fabrice Labeau, chargé du dossier, a affirmé que le comité avait choisi « un nom que toute la communauté pourra arborer – et célébrer – avec fierté ». Plus de 200 noms différents auraient été envoyés à l’administration de l’Université. La dénomination de « redbirds » aurait reçu les faveurs du comité entre autres parce qu’elle ne s’éloignait pas trop de l’identité des anciennes équipes. Il aurait aussi été utilisé par le passé par des équipes de baseball et de ski.
L’Université a fait le choix de ne pas effacer les traces de l’ancien nom Redmen, par exemple sur des trophées ou dans des monuments à l’histoire de l’équipe. « On ne veut pas enlever ça, parce que ça fait partie de l’histoire de l’Université », a déclaré Labeau sur les ondes de Radio-Canada.
Un processus laborieux
Cette décision vient parachever une réflexion qui dure depuis de très nombreuses années dans la communauté universitaire.
Le nom Redmen a été utilisé pour la première fois en 1927, d’abord sous la forme de « Red Men ». Selon une page du site officiel de McGill, qui a depuis été retirée, ce nom aurait à l’origine fait référence aux couleurs rouges de l’Université et à l’héritage écossais de James McGill, son fondateur. Plusieurs ont cependant considéré le nom de l’équipe comme une insulte raciste faisant référence à la couleur de peau des peuples autochtones d’Amérique.
Dans les années suivantes, ce nom a été de nombreuses fois utilisé en faisant explicitement référence aux peuples autochtones. Des années 1950 jusqu’aux années 1990, les équipes de McGill étaient parfois surnommées les « Indians », tandis que, dans les années 1970, certaines équipes féminines portaient le nom de « Super Squaws ». Plusieurs éléments de l’identité visuelle des équipes faisaient référence à des stéréotypes raciaux.
Au début des années 1990, un groupe d’étudiant·e·s, la McGill Native Awareness Coalition (Coalition pour la sensibilisation aux enjeux autochtones de McGill, ndlr) a commencé à faire pression sur l’Université, qui accepta d’envisager un changement. En 1992, cependant, McGill a choisi de conserver le nom des équipes, arguant que le nom n’avait pas à l’origine d’intentions racistes. L’administration a néanmoins accepté de changer le logo de l’équipe, qui depuis 1982 représentait une figure stéréotypée d’un guerrier autochtone à la coiffe de plume.
Développement récents
À l’été 2017, un rapport commandé par l’administration de l’Université a recommandé de changer le nom de l’équipe, affirmant que les efforts de McGill pour mieux inclure les autochtones étaient « sérieusement remis en question » par l’usage de ce nom.
Cependant, ce n’est vraiment qu’à partir de l’automne 2018 que des étudiant·e·s ont commencé à faire pression sur McGill pour obtenir un nouveau nom d’équipe. En octobre, le commissaire aux affaires autochtones de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) Tomas Jirousek, lui-même autochtone et membre de l’équipe d’aviron, a lancé une pétition qui fut signée par plus de 10 000 personnes. Quelques semaines plus tard, l’association étudiante a organisé un référendum dans lequel elle demandait aux étudiant·e·s la permission de faire pression sur l’Université : le oui l’a emporté avec 79% des suffrages exprimés.
L’Université, bien qu’ouverte à un changement, n’a pas tout de suite pris de décision formelle, ce qui a sucité le mécontentement des membres de l’AÉUM. Le 29 mars 2019, par solidarité avec la campagne #changethename (#changezlenom, ndlr), les électeur·rice·s étudiant·e·s ont rejeté à 58% le renouvellement d’un frais de dix dollars destiné à l’entretien des infrastructures de McGill. Peu après cette décision lourde de sens pour l’administration, la rectrice Suzanne Fortier a finalement annoncé le 12 avril que le nom serait changé.
En entrevue à Radio-Canada la semaine dernière, Tomas Jirousek a salué la décision de l’Université. Il a toutefois précisé que cela ne réglait pas tout le problème de la discrimination envers les autochtones à l’Université McGill. Selon lui, au-delà de seulement changer des noms d’équipe, l’Université devrait améliorer ses services de soutien aux étudiant·e·s autochtones et embaucher plus de professeur·e·s issu·e·s des Premières Nations.